Les Rencontres musicales de Champéry célèbrent «le grand sourd»

Un fil rouge Beethoven et un programme taillé sur mesure pour obéir aux normes sanitaires: les Rencontres musicales de Champéry promettent leur lot d’émotions dans le val d’Illiez. «Le grand sourd», comme on l’appelle un peu familièrement, se taille la part du lion, servi par une pléiade de musiciens confirmés et d’étoiles montantes.

Pour sa 21e édition, le festival alpin mise sur des titres connus, comme les sonates Clair de lune et Appassionata, le Trio des Esprits et le trio A l’Archiduc, ou encore la vertigineuse sonate pour violon et piano A Kreutzer. Mais il y aura aussi une Romance pour violon, le Quintette pour piano et vents opus 16 – calqué sur le modèle du ravissant Quintette KV 452 de Mozart – et, dans un registre plus métaphysique, à l’autre bout du spectre, le poignant 15e Quatuor en la mineur opus 132, composé après une période de maladie et de convalescence.

Lire aussi: Beethoven, citoyen du monde

Du nerf et de la ténacité

Certes, organiser un festival dans les conditions incertaines liées à la pandémie requiert du nerf. «La situation du Covid-19 nous a donné plus de travail, il faut prendre davantage de précautions, explique la nouvelle directrice artistique, Véronique Vielle. Mais d’un autre côté, on a pu temporiser quand d’autres festivals comme Verbier ou Gstaad annulaient.» Patienter, remodeler les programmes quand un quatuor à cordes du Canada est retenu dans son pays d’origine (remplacé ici par le prestigieux Quatuor Prazak), s’adapter aux conditions posées par l’OFSP: Véronique Vielle craignait de devoir «mettre en veilleuse» le festival.

Mais tout est maintenu! Le public devrait trouver un cadre sécurisé reposant sur une formule de concert sans entracte, débutant à 19h. «On a décidé assez vite qu’on ferait tous les concerts à l’église paroissiale, et non pas au temple, qu’on utilise d’habitude comme écrin pour la musique de chambre.»

Ancienne vice-présidente, Véronique Vielle reprend la main après son prédécesseur Luis Mendes de Leon, actif pendant vingt ans. «On essaie de faire un festival de haute qualité avec un petit budget. Nous avons des musiciens qui ne sont pas dans le star-system et qui sont pourtant de même qualité.» Elle et son comité insistent sur des résidences d’artistes sur place. «Je tiens à créer des conditions de répétition suffisantes en amont des concerts. Ces résidences doivent permettre un vrai travail d’approfondissement de la musique de chambre.»

Petit budget pour haute qualité

Spécialiste de la musique de Beethoven, François-Frédéric Guy dirigera du clavier le Triple concerto dans une transcription, à la tête de l’Ensemble Microcosme. Le violoniste russe Andrey Baranov et la violoncelliste valaisanne Estelle Revaz seront à ses côtés dans cette œuvre si profondément originale avec, en seconde partie, la 5e Symphonie de Schubert (ve 31 juillet). Puis viendront les trios Les Esprits et A l’Archiduc par François-Frédéric Guy, Tedi Papavrami et Estelle Revaz (ma 4 août).

Lire également: Estelle Revaz, le violoncelle du partage

Pianiste au toucher raffiné, le Japonais Kotaro Fukuma mettra en résonance les univers musicaux de Chopin et de Beethoven (di 2 août). Le Quatuor Prazak jouera l’Opus 132 et le célèbre quatuor Américain de Dvorák (je 6 août). Si vous aimez les «petits génies», allez écouter le concert Musique & jeunesse mené par le violoniste ukrainien Oleg Kaskiv. Le duo belge Lorenzo Gatto et Julien Libeer s’annonce de haut vol (lu 10 août). La pianiste montheysanne Béatrice Berrut, le clarinettiste genevois Damien Bachmann et trois autres instrumentistes à vent défendront Mozart, Saint-Saëns et Beethoven (ve 14 août), après une soirée d’«instruments insolites» (me 12 août).

Déplorant le manque de soutien aux talents helvétiques dans certains grands festivals, Véronique Vielle souligne qu’elle a «à cœur de programmer non seulement des Valaisans, mais des musiciens suisses. C’est un peu ma marque de fabrique.» Une vie culturelle qui reprend donc, à l’image du Quatuor opus 132 de Beethoven, dont le sublime mouvement lent est un «chant sacré d’action de grâce d’un convalescent à la Divinité». Bel écho à ce coronavirus qui nous tenaille encore.

Rencontres musicales de Champéry, du 31 juillet au 14 août.