Artistes comètes (4/8)
Signé par Mercury Records à la fin des années 1960, l’Américain Richard Atkins était promis à une grande carrière. Las, il ratera complètement le concert qui aurait dû changer sa vie

Pendant l’été, «Le Temps» raconte l’histoire d’un musicien qui a connu une carrière éphémère avant d’être redécouvert des années plus tard. Avec des destins singuliers et des albums cultes que le streaming permet enfin de (re)découvrir.
Episodes précédents:
Vous avez dix minutes à perdre? Même si on devrait plutôt dire dix minutes à gagner, tant le temps s’écoule trop rapidement en regardant le documentaire de Matthew Salton sur Richard Atkins. Dix minutes pour une histoire aussi belle que bouleversante, et facilement accessible en ligne. En 1966, un jeune Américain parti travailler en stop se fait embarquer par un pote à moto, avant de finir quelques minutes plus tard contre un camion. De ses jours d’inconscience sur un lit d’hôpital, il retiendra ce rêve: un homme de 72 ans alité à ses côtés pour une crise cardiaque – son double du futur, manifestement – et qui lui demande de vivre chaque jour aussi intensément que possible.
Amputé de la jambe droite, Richard Atkins se met à la guitare pour tenter d’oublier les douleurs nocturnes. Il n’a jamais eu la moindre affinité avec cet instrument, mais les (bonnes) chansons lui tombent dessus. En 1968, il passe directement de sa chambre au studio de Mercury Records pour enregistrer un album sous le nom de Richard Twice – qui sortira deux ans plus tard – car il a été aidé par un autre Richard, nommé Manning. La promesse d’un nouveau talent est telle qu’un concert est organisé spécialement pour l’industrie du disque. Ce sera un cauchemar: ampli en panne, panique et black-out complet. Richard Atkins a paraît-il joué, mais ne se souvient de rien. Sa carrière s’est arrêtée ce soir-là, à Hollywood.
Il a ensuite fondé une famille et embrassé le métier de menuisier. Mais il a été, de son aveu, incapable d’écouter la radio pendant des décennies, hanté par ce souvenir. Aujourd’hui, à 70 ans, il a fini par vaincre ses démons, est remonté sur scène et compose de nouveau. Dans le film de Salton, il apparaît d’abord en voix off sur des animations, puis en personne. On disait dix minutes à perdre, mais c’était compter sans le temps nécessaire pour s’en remettre.
Prochain épisode: Sons of Daughters of Lite