Salonen, Goerner et le Philharmonia: grande rencontre au sommet
Classique
Le concert de gala de la Fondation Dr Henri Dubois-Ferrière Lipatti a placé très haut la barre artistique. Généreuse récompense des donateurs

La grandeur a investi tous les niveaux, vendredi soir au Victoria Hall. D’abord, celui des compositeurs, des œuvres, du chef, du soliste et de l’orchestre. Que souhaiter de mieux pour le concert de gala de la Fondation Dr Henri Dubois-Ferrière Lipatti, organisé en soutien au financement du traitement des maladies du sang? Sur le plan artistique on ne peut aller beaucoup plus haut avec l’invitation par l’agence Caecilia du Philharmonia Orchestra de Londres et de son chef, Esa-Pekka Salonen.
Le pianiste Nelson Goerner, lui, vit sur les hauteurs du canton et se produit régulièrement en ville. Il n’en reste pas moins l’un des grands interprètes d’aujourd’hui. Quant au programme défendu, il a relié Mozart à Bruckner dans le même élan de générosité qui a animé l’assistance. Les spectateurs ont en effet déboursé au total 550 000 francs lors de cette soirée, pour encourager l’avenir prometteur du traitement du «lymphocyte à récepteur chimérique», projet brillamment expliqué par le Professeur Pierre-Yves Dietrich. Sur le plan caritatif, la grandeur a donc aussi été de mise.
Une rencontre hors norme
Que restera-t-il de cette rencontre hors norme? L’ivresse d’un niveau musical exceptionnel et le désir entêtant de retrouver bientôt le chef finnois, avec son orchestre ou non. La signature de ce directeur-compositeur trop rare ici? Quelles que soient les œuvres abordées, Esa-Pekka Salonen en dégage la structure et la grandeur, justement. Mais sa hauteur de conception se décline du fond du cœur et du corps.
Rien de superficiel, décoratif, léger ou distrayant. Sous sa baguette souple, l’ouverture du Schauspielerdirecktor de Mozart contient toute l’humanité tourmentée et vitale qui agitait les récentes Noces de Figaro et annonçait le proche Don Giovanni. Avec Salonen, le chant se déploie partout, du tissage subtil des lignes mélodiques à la rondeur des harmonies, gonflées de volupté et d’énergie.
Accompagnement symbiotique
L’attention et la précision ne se relâchent pas dans l’accompagnement symbiotique du célèbre 23e Concerto pour piano en la majeur, dont le sublime adagio s’est vu poétisé avec une délicatesse infinie par Nelson Goerner. Le soliste a encore porté au firmament le 16e Nocturne de Chopin donné en bis.
Quant au Philharmonia Orchestra, on en savoure à chaque note le moiré des couleurs, la densité et la netteté des attaques, le naturel du déroulement narratif et la tendresse des sonorités. Dans la puissante 7e Symphonie de Bruckner, c’est peu dire que l’entente des musiciens et de leur chef se situe au sommet. Le public est ressorti étourdi par leur interprétation phénoménale de la partition.