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Une compétition stimule la création et la met en lumière

La 70e édition du Concours de Genève honore la composition. Le secrétaire général Didier Schnorhk parle de cette discipline spéciale, pour une année particulière

Didier Schnorhk dans les couloirs du Conservatoire, un des lieux où le Concours de Genève essaime avec l’Epicentre, le Victoria Hall, le Studio Ansermet et le BFM. — © Eddy Mottaz
Didier Schnorhk dans les couloirs du Conservatoire, un des lieux où le Concours de Genève essaime avec l’Epicentre, le Victoria Hall, le Studio Ansermet et le BFM. — © Eddy Mottaz

Le Concours de Genève est original. Pluridisciplinaire, il décompte déjà 70 éditions contre vents et marées. Et évolue avec son temps. Le secrétaire général, Didier Schnorhk, au four et au moulin depuis quinze ans, vient aussi d’être nommé à la tête de la Fédération mondiale des concours de musique. Sa nouvelle double casquette lui permet d’être encore plus concentré sur le développement et le rayonnement de la vénérable compétition genevoise.

Cette année sera très particulière puisque le 70e cru se consacre à la composition, discipline biennale arrivée récemment dans le champ des instruments. En 2011, le moribond Concours de composition Reine Marie José était repris par le «grand» rendez-vous musical, qui l’inscrivait sur la liste de ses disciplines. L’organisation et le travail des jurés et des candidats n’a rien à voir avec le versant instrumental.

Comment cela se passe-t-il donc?

Le déroulement des épreuves n’est pas public. Il est difficile de montrer de la composition… Avec les musiciens, les spectateurs peuvent suivre, étape après étape, la progression du parcours des jeunes concurrents en concert, jusqu’à la finale où deux à trois lauréats montent sur le podium. Si l’aboutissement est le même pour la composition, le tri se fait en amont, à huis clos. Les jurés reçoivent les partitions, les analysent à la table, en discutent (parfois intensément) avant d’élire quatre finalistes parmi lesquels un ou plusieurs vainqueurs seront primés lors de la finale, seul moment public de la sélection. Combien y a-t-il eu de candidats et quel jury opère cette année?

Comme toujours les jurés sont des figures reconnues. Le président, Michael Jarrell, a composé une équipe à la fois unie et différente. Pascal Dusapin, Wolfgang Rihm, Luca Francesconi et Dai Fujikura couvrent un champ de sensibilités, de cultures et d’écoles très ouvert. Et ils s’apprécient et se respectent. Sur les 110 partitions arrivées d’une trentaine de pays, un petit tiers était féminin. Les ouvrages peuvent aller du néoclassique au conceptuel, de l’écriture traditionnelle aux signes ou aux dessins. Les quatre finalistes masculins sélectionnés (à l’aveugle, ndlr) viennent de Corée du Sud (Sunghyun Lee, 20 ans, et Hankyeol Yoon, 21 ans), du Portugal (Andérito Valente, 35 ans) et du Japon (Schoichi Yabuta, 32 ans). Quelles étaient les contraintes du sujet du Prix 2015?

Une œuvre pour quatuor à cordes de 20 minutes maximum, puisque l’an prochain la discipline sera au programme. Il est convenu que l’œuvre imposée pour les épreuves finales d’instrument est le Premier Prix du concours de composition précédent. L’an passé, c’était la flûte, donc le sujet du concours antérieur impliquait la flûte. Est-ce pour cela qu’il n’y a pas d’électronique dans la composition imposée?

Oui, bien sûr. Mais cela pourrait changer. Cela fait partie des nouveautés et des évolutions que nous étudions pour le futur. Un Prix de composition délivré par des créateurs inscrits dans un mouvement musical ou un style de pensée, n’est-ce pas plus délicat qu’avec des interprètes qui s’appuient sur un répertoire historique commun?

C’est certainement plus particulier, mais pas forcément plus problématique. La subjectivité et le goût esthétique sont inévitables. Chez les instrumentistes aussi. Mais les jurés sont suffisamment professionnels pour faire abstraction de leur propre avis. La discussion et le partage d’expérience équilibrent les débats. Trop de jurés complique le choix, pas assez aussi… Entre cinq et sept est le nombre idéal à Genève. Quels sont les critères de sélection?

Pour la composition, c’est d’abord la maîtrise de l’artisanat. Les partitions doivent répondre à des critères de «jouabilité». Le compositeur est censé connaître les particularités des instruments, ne pas écrire des choses incohérentes ou injouables techniquement. Vient ensuite l’aspect créatif, l’art des combinaisons, des couleurs. L’originalité et la pertinence du langage. Les jurés ne sont pas dupes des trucs, qu’ils repèrent rapidement. Ils voient aussi très vite si un compositeur a quelque chose à dire. Une pièce peut être très bien écrite, efficace et fonctionner à la perfection, mais sans grand-chose derrière. Il y a des styles qu’on a entendus des centaines de fois. Et parfois surgit la surprise, la bonne idée, l’intérêt. C’est aussi ce qu’attendent les juges. A quoi sert un concours de composition?

Avec la reconnaissance d’un niveau et d’une qualité, le deuxième aspect est le retentissement qui va permettre de faire circuler ces œuvres, de les faire jouer, voire d’entrer au répertoire pour les meilleures. Vous organisez un festival des lauréats d’une semaine après la finale qui ouvre les feux dimanche.

Oui, c’est une façon de compenser l’absence d’épreuves publiques. Nous les remplaçons par des concerts d’anciens lauréats depuis 2000. Il reviendra aux quatuors Galatea et Voce d’interpréter les quatre créations des finalistes le premier soir. Puis du violon au basson en passant par le violoncelle, le hautbois, le quatuor ou la flûte, avec un week-end de piano, la trentaine de musiciens invités composent une forme de famille musicale créée par le concours.

Concours de Genève du 8 au 15 novembre, finale de composition et festival des lauréats. Rens. 022 328 62 08, www.concoursgeneve.ch