Quand les verres de Stevie Wonder reflètent le Léman
Festival
Le programme de la 48e édition du Montreux Jazz Festival a été révélé hier. Pharrell Williams, Damon Albarn et le génie aveugle de Detroit son de la fête

L’inaccessible rêve, selon Claude Nobs, c’était que Stevie Wonder vienne à Montreux, qu’il joue du Duke Ellington avec les Alpes reflétées dans les lunettes noires. Hier matin, lors de la révélation du programme de cette 48e édition, chacun pensait donc au patron historique du festival, qui ne verra pas le génie de Detroit se produire chez lui. Une année brillante, en somme, où le Montreux Jazz assume pleinement sa double identité : patrimoniale et fureteuse à la fois.
Vite, parce qu’il y a beaucoup à dire. Outkast, déjà, la réponse sudiste, d’Atlanta, au hip-hop le plus fascinant. On les attendait depuis si longtemps qu’on ne croyait plus à Andre 3000 en bermudas écossais sur la scène l’Auditorium Stravinski. Pharrell Williams, aussi, la coqueluche de la saison, également en bermudas écossais c’est à parier. Un concours de stye. Cinquante ans de musique noire, de Stevie à Pharrell.
Et puis le jazz, qui est omniprésent depuis la naissance du Montreux Jazz Club (que l’on nous promet repensé) : John Scofield, Dave Holland, Mulatu Astatke, Jack DeJohnette, Tigran Hamasyan et puis, en majesté, le duo de Wayne Shorter et Herbie Hancock. Mais aussi de la soul à foison avec cette soirée qui mêle Dr. John aux différents avatars du puissant label Daptone (le son d’Amy Winehouse).
On ira forcément écouter Damon Albarn, M, Stephan Eicher en version tout-terrain, Chris Rea en exclusivité et puis une armée de batailleurs électriques (Olafur Arnalds, Temples, Banks, Massive Attack, Eels, Angus & Jula Stone, London Grammar, Fauve, Archive, Rocky, Morcheeba ou les Babyshambles). Bref, il faudrait un mur illuminé pour montrer l’entier de cette programmation, plus de cent formations sans compter le OFF dont l’affiche sera annoncée début juin.
Mais plus que jamais Mathieu Jaton, l’héritier en jeans slim cette année, inscrit sa personnalité dans la longue histoire du festival : mettre au premier plan son équipe ressoudée de programmation et ne rien lâcher, jusqu’à la dernière seconde, pour pouvoir même dans une année difficile revendiquer des prises incontestables (Pharrell Williams, Outkast et bien entendu Stevie Wonder).
Le seul reproche que l’on peut faire à cette affiche, et il est de taille, c’est qu’elle est obsessionnellement occidentale. Au revoir le Brésil, autre spécialité de Montreux, alors que l’on sera en plein Mondial. L’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud existent à peine. Une faute pour une manifestation qui avait été pionnière dans l’ouverture des frontières culturelles.
Montreux Jazz Festival, du 4 au 19 juillet 2014.