Le regard brillant, les cils qui papillonnent. Michael est amoureux. Pas d’une personne mais d’un continent, l’Asie. Dans l’imagination du jeune homme, c’est une région féminine et propice aux rencontres. Un univers grand ouvert. Pour le moment, cette image n’est encore qu’un rêve doux. Car Michael n’est jamais allé là-bas. Ne goûte pas aux douceurs littéraires de Fang Fang ou Mo Yan. Ne parle pas couramment chinois. Et ne raffole pas du folklore lié à l’Asie.
«Il est difficile de dire pourquoi je suis passionné par la Chine, explique-t-il dans un sourire. Je le suis, c’est tout.» Cette certitude l’a poussé, après un bachelor en sciences politiques à l’Université de Genève, à commencer en 2009 un master pluridisciplinaire en études asiatiques. Organisée conjointement avec l’Institut de hautes études internationales et du développement, cette filière récente propose un foisonnement de cours autour de l’économie et de la culture asiatiques, dans l’idée que ces compétences seront forcément utiles dans un monde où la croissance des «Dragons» n’est plus à démontrer.
Pragmatique, Michael y a particulièrement apprécié l’étude politique du continent, notamment «l’influence de la libéralisation sur des économies construites sous des régimes autoritaires et dirigistes». Il ajoute: «J’ai aussi aimé le fait de déconstruire l’image que l’Occident a de l’Orient, comme un tout homogène. La mentalité asiatique n’existe pas. Il faut envisager ces pays de manière plus terre à terre.» Pour appuyer son argumentation, il cite les sinologues Jean-Luc Domenach et Marie Holzman dont il a dévoré les ouvrages.
Valaisan d’origine, Michael n’était pas prédisposé à tourner sa boussole vers l’Est. Le métier de son père, capitaine de la marine marchande suisse, peut expliquer en partie ses ardeurs. De même que les rituels familiaux du vendredi soir autour de Thalassa, «émission de voyages que je regardais les yeux grands ouverts en mâchant du pop-corn». L’année de la maturité, son professeur Dominique Roux suscite son intérêt avec un chapitre sur l’économie de la Chine au XXe siècle.
Première étape: le Vietnam
Contrairement à d’autres, Michael aime les chiffres et les chronologies. Alors à 24 ans, quand il a dû commencer le chinois, l’apprentissage a été laborieux. «Pour parler la langue, il faudrait des années. Mais c’est intéressant pour comprendre leur manière de penser. Vous imaginez que pour dire «très», ils ont six ou sept adverbes! Quelle précision!» D’ici à quelques semaines, quand il aura fini son job d’étudiant, il pourra tester son accent en passant de la théorie à la pratique. Comme le stipule le règlement du master, Michael effectue une partie de sa deuxième année en stage à l’étranger. «Je pars d’abord au Vietnam rejoindre une mission de l’ONG Habitat for Humanity. Je vais lancer un projet concernant l’impact du changement climatique sur la région de Long An. Il s’agit de prévention au sujet des méthodes d’entretien des rizières. Après, je pense partir à Taïwan, en stage chez une consultante internationale.»
A son retour, il faudra écrire un mémoire… et chercher du travail. «Je ne fais pas cette formation pour rester en Suisse. Je veux vivre en Asie, au moins le temps de faire du terrain. Dans quel métier? Dur à dire. Tout est possible là-bas. De toute façon, je n’ai jamais envisagé mes études en pensant à leur finalité. Sinon, j’aurais fait médecine!»
Grégoire Evequoz, directeur général de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (Genève), reconnaît bien dans les propos de Michael une tendance de fond. «Aujourd’hui, choisir une formation ne veut pas dire qu’on va en faire son métier. Les jeunes se dirigent d’abord vers des études où ils peuvent s’épanouir. Et d’un point de vue psychologique, ils retardent le plus longtemps possible ce qui ressemble à un choix de vie définitif.»
Demain: Camille et la muséologie, une filière toute neuve.