Comme le remarque Bernhard Purin, directeur du tout nouveau Jüdisches Museum de Munich, la spécificité des musées juifs réside dans le fait que les objets, souvent sans valeur artistique, n'ont de sens que dans le lien avec leur histoire individuelle. Sur ce terrain miné par les préjugés, les choses ont un rôle particulier à jouer. Pour les gens du cru, note le psychanalyste Mario Erdheim, l'histoire est inscrite dans la rue, elle n'a pas besoin d'objets pour se perpétuer. Pour ceux qui sont persécutés, elle est toujours ailleurs, dans le passé ou dans l'avenir, à construire. Les choses l'aident à se fixer: d'où l'importance de ces vestiges qui ont bravé le temps, traces de la Shoah, photographies de disparus, bijoux qui portent la trace de blessures toujours à vif.
«Presque 70 ans plus tard, il y a encore des mauvaises consciences à soulager», constate Bernhard Purin, qui reçoit des témoignages de très vieilles dames qui cherchent à retrouver bien tard une camarade de classe juive. Mario Erdheim remarque que les signes changent de support au cours de l'histoire, que les stéréotypes qui stigmatisaient les Juifs valent aujourd'hui pour l'islam. «Les Suisses ont été obligés de considérer une page sombre de leur histoire, mais ils se sont empressés d'oublier et ne reconnaissent pas, dans ceux qui aujourd'hui sont persécutés, le retour du même sort.»