Ai Weiwei est de sortie

Dissidence L’artiste chinois a récupéré son passeport, confisqué pendant 4 ans par les autorités de son pays. Ce week-end, il en a profité pour retrouver son fils en Allemagne

Le 13 novembre 2013, Ai Weiwei publiait une image de son vélo posé devant son atelier de Pékin. Dans le panier accroché au guidon, des fleurs fraîchement coupées. Le lendemain, même chose. Le surlendemain aussi. L’artiste chinois, assigné à résidence depuis deux ans, s’engageait à respecter ce rituel quotidien «jusqu’à ce que je puisse voyager librement». Publiée la semaine dernière sur son compte Instagram, l’image de la bécane, mais sans son bouquet, annonçait donc une bonne nouvelle. Mercredi, le gouvernement a finalement rendu son passeport à l’artiste dont il conchie l’œuvre et l’attitude anti-populaire. Lequel a aussitôt pris un selfie avec ses papiers retrouvés. Le timing tombe pile. A la rentrée, la Royal Academy of Arts de Londres ouvrira une vaste rétrospective consacrée au travail de ce créateur multidisciplinaire, à la fois architecte, plasticien et curateur. La direction du musée pensait la vernir en son absence. Il sera bien présent le 15 septembre pour l’inauguration de son exposition.

Pour l’artiste de 57 ans, c’est une victoire sur l’acharnement politique dont il a été l’objet. C’est surtout la fin d’un cauchemar qui dure depuis 2011. Même si cela fait bien plus longtemps qu’Ai Weiwei agace prodigieusement les autorités de son pays. Fils du poète Ai Qing, déporté avec toute sa famille dans les campagnes mandchoues sous Mao, il a la contestation chevillée aux gênes. Parti étudier l’art à New York, il expose en 2000 ses photographies montrant sa main, le majeur levé en doigt d’honneur, devant les monuments de la culture chinoise et occidentale. La série «Fuck Off» donne le ton. De retour en Chine, il dénonce les destructions de quartier entier du vieux Pékin au profit des buildings du capitalisme sauvage. Ouvertement critique dans un pays qui bâillonne la liberté d’expression, Ai Weiwei impressionne.

Artiste à l’aura internationale, il est arrêté il y a quatre ans pour une sombre affaire d’évasion fiscale. Mis au secret par les autorités, personne n’entend plus entendu parler de lui pendant 81 jours. Le milieu de l’art pétitionne, Pékin s’étonne. Et Weiwei réapparaît sans jamais savoir pourquoi il a été arrêté, aucune charge n’étant retenue contre lui. En revanche, il ne pourra plus quitter le territoire. Il tirera de son expérience carcérale une série de maquettes exposées à la Biennale de Venise en 2013. Chacune représente une scène ou l’artiste est confronté aux officiers qui l’interrogent. L’angoisse en modèle réduit pour dire aussi qu’en Chine le citoyen est un jouet. Libéré, il reste alors sous surveillance rapprochée. Dans le documentaire Ai Weiwei: Never Sorry tourné par la journaliste américaine Alison Klayman, on le voyait molester un type qui le prenait en photo en cachette avec son fils. Ai Weiwei l’accusait de l’espionner pour le compte du parti. Le type ne pipait mot, mais affichait la mine piteuse des balances. Assigné à résidence, l’artiste continuait à recevoir du monde dans son studio pékinois. Il communiquait aussi massivement à travers les réseaux sociaux, sa notoriété mondiale le protégeant d’éventuelles représailles. Et transformait sa vie en une sorte de happening permanent. Sur Instagram, ses 129 000 abonnés pouvaient ainsi voir samedi des images de l’artiste posant avec son fils de 6 ans qui vit désormais en Allemagne. Ce week-end, le premier déplacement du dissident enfin libre a été pour lui.

Arrêté pour une sombre affaire d’évasion fiscale