Blizzard Entertainment, c’est l’éditeur maudit des parents, le créateur de World of Warcraft (WoW), le plus fameux des jeux de rôle en ligne sur lequel 8 millions de joueurs gâchent leurs jeunes (et moins jeunes) années. Contrairement à ses concurrents (Electronic Arts, Ubisoft), l’Américain alimente un catalogue famélique. Une poignée de jeux pour faire tourner la baraque, des extensions pour relancer l’intérêt et des nouveautés toutes les années bissextiles. La dernière en date sort mardi 24 mai. Après le jeu de rôle en ligne (World of Warcraft), le jeu de cartes à collectionner (Hearthstone), le jeu d’arène (Heroes of the Storm), le jeu de donjon (Diablo) et de stratégie (Spacecraft), Blizzard se lance dans un archétype vidéoludique qui lui avait encore échappé: le jeu de tir à la première personne. Annoncé en 2014 avec un petit film digne du studio Pixar, voilà donc Overwatch enfin (presque) dans les rayons.


Ange zurichois

A nouvelle licence, nouvel univers. Blizzard n’a donc pas peuplé son dernier jeu vidéo avec les personnages de ses précédentes mythologies. La vingtaine de héros que le joueur peut incarner possèdent tous leur histoire propre. Certains sont des humains génétiquement modifiés. D’autres des Ominums, robots humanoïdes qui se sentent pousser une conscience. Autrefois hommes et machines s’entendaient cordialement, jusqu’à ce que les premiers subissent les assauts des secondes. Face à la menace endémique, une troupe d’élite est créée. Overwatch doit faire le ménage et ramener les machines rebelles à la raison. Entre les bons et les méchants, le doute finit par s’instiller parmi la population, mettant les agents protecteurs au ban de la société.

Le superhéros poussé à la retraite forcée: le scénario fait penser au Watchmen, la BD d’Alan Moore. Comme chez l’auteur anglais, les voilà donc qui reprennent du service. La faute à La Griffe, organisation aux motivations obscures, mais à la nuisance avérée.

Pharah, Reinhardt, Torbjörn… les noms des personnages le disent: dans Overwatch, on vient des quatre coins du monde, voire, dans le cas de Winston de beaucoup plus loin. Le gorille de laboratoire arrive de la surface lunaire. Les localisations sont parfois autrement étonnantes. Blizzard a fait naître à Zurich la bien nommée Ange (Angela Ziegler pour l’état civil) qui vole au secours des blessés. Tandis que la Française Fatale, avec son terrible fusil de sniper et son délicieux accent «frenchy», est originaire d’Annecy.


Super-rapide

Le jeu étant cross média, l’histoire se complète petit à petit à travers la lecture des comics Overwatch et en regardant sur Internet les vidéos qui remplissent les trous biographiques de chaque protagoniste. «Le style graphique du jeu est très différent des productions Blizzard», observe également Lena, 20 ans, gameuse invétérée qui a participé pendant deux mois à la phase test d’Overwatch. «Le dessin est plus cartoon et se rapproche de ce que fait Disney en animation 3D ou d’un autre jeu, Team Fortress. Sans doute que Blizzard cherche ainsi à attirer un autre public que celui de ses autres productions.»

Tous azimuts

Question mode de jeu, en revanche, Blizzard n’a rien inventé. Extrêmement rapide dans son déroulement, Overwatch remet au goût du jour un genre qui avait un peu disparu depuis Quake. On veut parler du Fast FPS qui pousse le joueur à arroser tous azimuts. Chaque partie met ainsi face à face deux équipes de 6 joueurs qui s’affrontent dans des cartes vastes et variées. La stratégie consiste ensuite à doser le nombre d’attaquants, de défenseurs et d’unités chargées des soins au sein de la team. But de la manœuvre? Contrôler pendant le plus longtemps possible une zone du jeu sous le feu de l’adversaire. Mécanique intéressante: à chaque fois qu’un joueur retourne à sa base, il peut changer de personnage. Ce qui permet d’affiner les tactiques au cœur des escarmouches.


Taillé pour l’e-sport

Reste à connaître le modèle économique retenu par Blizzard pour amortir son investissement. World of Warcraft fonctionne sur celui du Pay to Play avec un abonnement mensuel pour accéder au jeu. Concurrencé par d’autres systèmes, le jeu en ligne a vu le nombre de ses abonnés dégringoler ces dernières années. Blizzard s’était rattrapé avec Hearthstone et son système Free to Play (le jeu est gratuit mais l’achat en ligne de cartes supplémentaires rend les joueurs forcément plus forts), lesquels assurent pour l’heure à son créateur californien une confortable rentabilité. Dans Overwatch, une fois le jeu payé, plus besoin de passer au tiroir-caisse. C’est ce que l’on appelle le Buy to Play. Boss de Blizzard, Jeff Kaplan motivait cette décision par le fait qu’Overwatch est avant tout un jeu d’équipe. Le produit sera donc le même pour tout le monde. Les joueurs – rien que pour la version d’évaluation on parle déjà de 7 millions d’inscrits – partent ainsi avec les mêmes chances dans la vie. «Avec ses matches en trois manches, le jeu est clairement formaté pour les tournois d’e-sport», observe encore Lena. Joli et rapide, cornaqué par un éditeur passé maître dans l’art de faire évoluer ses titres, Overwatch se pose d’ores et déjà comme un futur carton.


«Overwatch» pour Windows, PS4 et Xbox One. Sortie le 24 mai.