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Le festival nyonnais a présenté son programme anniversaire. La recette d’un succès annoncé? «C’est une machine paisible», dit le patron des Eurockéennes

Paléo, quarante ans sur la paille
Musique Le festival nyonnais a présenté son programme anniversaire
La recette d’un succès annoncé? «C’est une machine paisible», dit le patron des Eurockéennes
Chaque mois d’avril, le pénible exercice des conférences de presse pour les festivals d’été fleurit sans faillir. Les musiques y sont forcément présentées comme «pétillantes», le rock «tranchant», le public «emballé». Dans le cas de Paléo, c’est encore pire. Même sans annonce dans les médias, par la discrétion relative des réseaux sociaux, cette édition de sept jours – du 20 au 26 juillet – sera prise d’assaut et annoncée complète presque avant même que cet article ait été publié. Et pourtant, quelque chose se passe, un frémissement. Un anniversaire. Le jubilé d’une formule que certains critiquent mais que tous jalousent.
Quarante ans. Daniel Rossellat, emballé dans sa blouse cubiste, se souvient encore de Joan Baez qui lui écrivait à la main, au siècle dernier, pour lui demander de jouer dans son nouveau Folk Festival de Nyon. Elle revient cette année, les cheveux blancs et la guitare bandée, avec une foule des miraculés de l’ancien temps: Robert Plant, Patti Smith, Véronique Sanson, Johnny Hallyday. «Cette année, c’est notre fête, on peut se permettre d’inviter des artistes qui nous ont fait rêver sans passer pour des ringards.» Rossellat n’a pas de souci à se faire. Paléo est passé maître en consensus helvétique. Un peu de tout, l’avant-garde et le popu, le bastringue et l’élitaire, le tout dans une recette qui semble sans équivalent.
Ce n’est pas nous qui le disons. Mais Jean-Paul Roland, patron des Eurockéennes de Belfort, un open-air à la démesure de Paléo, 33 000 personnes chaque soir début juillet, et qui célèbre cette année sa 27e édition: «Paléo, c’est le premier de la classe. La bouffe, la sécurité, l’accueil du public, tout est conçu avec un soin unique. On organise chaque année des stages de formation à Paléo pour notre staff. Pour qu’on essaie de copier leurs méthodes dans les buvettes, pour l’encadrement des spectateurs.» Chaque année, ils sont une trentaine des Eurockéennes à faire le déplacement de l’Asse pour étudier le modèle. Les deux festivals discutent aussi beaucoup de programmation, d’argent, dans un réseau qui se veut européen et qui cherche également à contrer l’inflation des cachets.
Jacques Monnier, cofondateur du festival nyonnais et programmateur en chef, n’aime pas trop parler de sou. C’est l’esprit de Paléo. Faire comme si tout cela n’était qu’une grosse rigolade d’étudiant chevelu. Convaincre la Suisse romande qu’il s’agit d’abord d’une autre fête nationale, sur un terrain loué à un agriculteur, qui ressemble autant à un auditorium à ciel ouvert qu’à la foire du Trône (la grande roue revient cette année). Alors, Monnier concède qu’ils ont cassé leur crousille pour ce septième jour supplémentaire, de sorte que Robbie Williams puisse chanter sa pop du millénaire. La pudeur et des accords de stricte confidentialité empêchent le festival de communiquer le cachet. Mais il atteindrait le million de francs. Peu importe, les comptes seront à l’équilibre.
Pour tout dire, on a cherché quelqu’un qui vouerait aux gémonies Paléo. Pour faire bon poids. C’est difficile. Pas seulement parce que le festival est puissant et qu’il veille aussi, via l’agence Opus, sur une partie considérable des concerts organisés dans ce coin de monde. Mais la manifestation, bien que très familiale, n’est plus le festival de la tartine parfois décrit. A Paléo, on ira entendre Guillaume Perret et son métal hurlant, l’electro frappadingue des Angolais Batida, la guimbarde chinoise de Wang Li, bref, tout ce qui se fait de plus passionnant ou de plus barré en ce moment.
Alors, cette unanimité au moment de tourner quadragénaire, tout cela agace. Les organisateurs de Paléo y ont songé en invitant les Vincent et Vincent de l’émission 26 minutes sur la RTS, qui présenteront un spectacle sur la Grande scène le 24 juillet, «120 secondes présente Paléo». C’était Michel Brice, responsable du back office (Vincent Kucholl au cheveu gras, chemise improbable, sourire dégoûtant) qui ouvrait d’ailleurs cette conférence de presse. La bonne idée. Moquer le modèle économique de Paléo: 50 salariés pour 5000 bénévoles. «Un employé payé pour 100 qui ne le sont pas. Les éditeurs zurichois raffoleraient de cette proportion.» C’est de l’humour, bien sûr.
Paléo Festival, Nyon. Du 20 au 26 juillet. www.paleo.ch
C’est l’esprit de Paléo. Faire comme si tout cela n’était qu’une grosse rigolade d’étudiant chevelu