Le parallèle sera immanquablement fait, même si l'opération manque encore d'une réplique culte. Nespresso est Georges Clooney et son inimitable «What else» lâché avec flegme au visage d'élégantes amourachées. La DS4, qui sera commercialisée en Suisse à partir du 23 novembre, espère être Joël Dicker et devenir, aux yeux de ses futurs propriétaires, la voiture de luxe à la fois intello, mystérieuse et classieuse.

Une opération-séduction rondement menée, avec le romancier genevois filmé pour les besoins de la promotion dans son rôle de jeune écrivain à la recherche de ses personnages. Inspiration en panne à l'hôtel Meurice de Paris – il ne manque plus qu'une James Bond Girl prés du lit – puis créativité à l'œuvre sur les routes humides de la Forêt noire, parcourues au volant d'une DS filmée sous tous les angles... «DS, c'est une histoire passionnelle», explique Arnaud Ribault, patron du marketing de la firme. D'où l'idée d'en confier provisoirement le script à l'auteur de «La vérité sur l'affaire Harry Québert» et du «Livre des Baltimore» (Ed. De Fallois)

Résultat ? Une nouvelle de 50 pages intitulée «Pour les initiés uniquement», écrite par Dicker et réservé aux futurs clients de la DS, plus un court-métrage publicitaire à l'allure de vrai-faux polar, censé mettre ces derniers en appétit avant d'ouvrir leur portefeuille pour débourser entre 25 et 35 000 euros pour les deux modèles conduit par l'écrivain, la DS4 et la DS Crossback. Séquence émotion ? Voire.

Si l'idée d'un romancier francophone en quête d'intrigue pour vanter une marque automobile française de légende (la plus connue dans le monde avec l'inimitable 2 chevaux) est originale, le film patine. Les rencontres et les lieux - forêt, lac, auberge - s'enchainent devant la caméra superbement maniée par un des meilleurs chefs opérateurs actuels, sans que l'on sente transporté le moins du monde. Atmosphère froide. Le brouillard forestier s'insinue presque entre nous et la DS. Etonnante démarche qui consiste à espérer que la naissance embrumée d'un roman noir déclenche une claire envie d'achat. Comme si Agatha Christie avait accepté de promouvoir les sacs Vuitton, ou John Le Carré la dernière Jaguar. 

Paradoxalement, Joël Dicker, promu «DS Writer», est celui qui se sort le mieux de l'exercice. Pourquoi avoir accepté une telle offre? «Parce que j'ai toujours rêvé de créer des clips publicitaires, et que j'ai fait le cours Florent, à Paris, dans l'espoir de devenir acteur», confie-t-il au «Temps». Photogénique, assuré d'avoir son portrait placardé dans tous les show-rooms de DS jusqu'en Chine, l'auteur, qui se dit submergé de propositions commerciales incroyables, y gagne une image glamour, bien servie par sa jeunesse et sa décontraction encore naturelle.

Et puis il y a la route, que lui et ses héros aiment emprunter plutôt que l'avion. «J'aime conduire. Dans mes livres, mes personnages prennent la voiture. Cela grave mieux les distances dans le récit.» Le «contenu créatif» que la marque du groupe PSA veut donner à ses véhicules pour occuper le créneau «haut de gamme» reste assez nébuleux. «Je n'aurais pas accepté de vendre des biscuits ou des bagages poursuit Joël Dicker. Cette opération DS m'a aussi permis de réaliser quelques rêves.» What else?