Il y a son nez, son menton volontaire et son front haut. Ses petits yeux, ses sourcils sévères et surtout ses favoris. «C’est à cela que l’on reconnaît Emmanuel Macron», s’accordent les professionnels réunis à la Maison du dessin de presse autour de l’exposition Dessine-moi un Macron. Une centaine d’illustrations retracent chronologiquement le parcours du président français, de son poste de ministre jusqu’au sommet de la République, et répondent à cette question: «Comment trouve-t-on l’angle pour caricaturer un nouveau personnage?»

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Afin de mieux comprendre leur démarche, le public est invité à se glisser dans la peau de ces dessinateurs de presse qui, pour certains, ont ouvert les portes de leur atelier à travers des vidéos. En s’essayant à l’exercice, le public perce les secrets de la caricature et en saisit toutes les difficultés.

L’art de la morphopsychologie

L’accrochage débute symboliquement. Avec un brin d’émotion, les spectateurs découvrent de rares dessins d’Emmanuel Macron, encore ministre sous François Hollande, réalisés par Charb et Cabu, tous deux victimes des attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo. Décrit comme le «roi de la caricature», ce dernier n’a pourtant pas, lors de ce premier essai, su «choper» le personnage. «Emmanuel Macron a été difficile à cerner, même pour les meilleurs d’entre nous, avoue Erik Tartrais, dessinateur français. On ne connaissait quasiment rien de son passé, il s’est dévoilé au fur et à mesure de la campagne présidentielle.» Car c’est souvent en s’appuyant sur leur caractère que les dessinateurs parviennent à appréhender les nouveaux personnages politiques, assimilant les traits du visage à la psychologie de l’individu selon le procédé de morphopsychologie. «Son nez file comme une flèche et indique la direction à suivre, à l’image de son menton fin et pointu. Tout chez lui marque le mouvement, que ce soit son physique ou son parti La République en marche», examine Gérald Herrmann, de la Tribune de Genève.

Au fil de l’exposition, les caricatures se font donc plus précises, plus ressemblantes. Certaines se présentent comme des portraits, voire des tableaux, à l’instar de ce dessin de Karl, paru dans Courrier international, d’un Emmanuel Macron dont le tricorne napoléonien a été remplacé par une 2 CV rouillée. «Cette voiture représente la France à réviser, ou à mettre à la casse, interprète Pascal Pellegrino, commissaire d’exposition et directeur de la Maison du dessin de presse. Le nouveau président doit s’attaquer à des monstres irréformables tels que le Code du travail et la SNCF.» La caricature permet ainsi de «faire passer un message avec humour», comme l’aime à penser Erik Tartrais. «Tous deux ont pris le pouvoir en tentant de changer les choses. Les Français ont déjà dû penser à cette ressemblance avec Napoléon Bonaparte.»

Sensibilité culturelle

L’assimilation à des politiciens ou des personnages populaires semble inévitable. Dépeint comme un nouveau Nicolas Sarkozy, Napoléon ou Tintin, Emmanuel Macron apparaît comme un «jeune homme fringuant dévastant tout sur son passage». «La comparaison est une facilité et un signe de paresse pouvant parfois se révéler réductrice, confie Gérald Herrmann. Le dessin demeure un art mineur, compréhensible de tous car ne nécessitant aucune érudition.» Un point sur lequel ne s’accorde pas le commissaire d’exposition. «Les sensibilités liées à l’humour diffèrent selon les nationalités, la culture des gens. Ainsi, un Français et un Suisse peuvent être amenés à réagir autrement face à une caricature.» Tout comme les professionnels qui abordent leurs travaux sous des angles particuliers. «Quoi qu’il en soit, le message communiqué par la caricature reste tout aussi fort et évocateur.» Lorsque les Français se veulent plus virulents, les Suisses, eux, se montrent plus analytiques. «La distance géographique nous permet de prendre du recul, d’être plus lucides sur certaines situations», soutient Patrick Chappatte, le dessinateur du Temps.


«Dessine-moi un Macron», Maison du dessin de presse, Morges, jusqu’au 30 septembre.