Le petit monde d’Elisabeth Llach se décline en noir et blanc. Non, le petit monde de cette artiste, dont les pièces dialoguent ici avec des objets empruntés au MuMode, Musée suisse de la mode, est un monde en noir et blanc, avec des touches ajoutées, rouges le plus souvent, sans oublier la lumière, qui réunit toutes les couleurs! Mêlant, «comme la vie», dit-elle, «horreur et beauté», l’exposition au CACY (Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains) donne une juste idée du travail de cette «sorcière» (dit-elle encore d’elle-même), un travail centré sur l’identité de la femme, sous le regard de l’homme et de son point de vue propre. Plus acidulé peut-être que doux-amer, cet univers peuplé de modèles féminins, mais des modèles féminins comme vus à travers un filtre qui les rendrait flous et les éloignerait, et les déformerait, suscite un sentiment d’étrangeté, certes, mais aussi une curieuse impression de familiarité.

C’est ici une poupée chérie, à l’intention des adultes plus que des enfants, là des assiettes peintes – quoi de plus anodin, rassurant même, que des assiettes peintes? – dont le motif de décor, en noir et gris, se révèle déconcertant, puis une frise dont le sujet, la danse des morts, apparaît comme une moderne vanité. L’originalité de la présentation, dans les salles historiques de l’hôtel de ville, tient dans le capitonnage dont les a doublées l’artiste, sorte de chantilly de tissu satiné, et à ce dialogue, tel un murmure continuel, avec les pièces de vêtement et accessoires choisis dans les collections du MuMode: de petits souliers d’enfant en cuir noir, emplis de rêve, ou de mort, sous la forme d’une sorte de ouate blanche qui en déborde, des capes noires, de velours et dentelle, suspendues de manière à constituer une véritable sculpture, des plumes de cygne noir, et de marabout noir (ou teintées de noir), sur un chapeau.

Tout est conçu pour susciter ce frisson devant une fiction quelque peu funèbre, gothique peut-être, surréaliste en tout cas – mais pas un instant on n’oublie que la fiction se nourrit de vérité. Un autre dialogue s’établit avec une intervention in situ signée Anne Hildbrand, installation entièrement constituée de socles, qui forment ici une sculpture ou plutôt un environnement, froid et utilitaire, ou justement dénué de toute utilité. A ceci s’ajoute un dessin très travaillé d’Estelle Ferreira, dont la note surréaliste se marie bien avec l’œuvre d’Elisabeth Llach.

Elisabeth Llach: Totchic. Centre d’art contemporain (place Pestalozzi, Yverdon-les-Bains, tél. 024/423 63 80). Me-di 12-18h. Jusqu’au 29 mai.