A Paris à la fin des années 50, Daniel Spoerri côtoie Duchamp, Man Ray, Pol Bury, il fonde les éditions MAT et invente le multiple. Différentes œuvres documentent cette activité d'éditeur «d'art transformable». Puis l'artiste signe le Manifeste du Nouveau Réalisme, fréquente les acteurs de Fluxus, inaugure sa série des tableaux-pièges et se retire, de 1966 à 1967, sur l'île grecque de Symi. En 1968 il est à Düsseldorf où il ouvre le restaurant Spoerri, puis l'Eat Art Galerie. Il enseignera à Cologne, Munich, Vienne, avant de s'installer à Seggiano en Italie, où son jardin de sculptures prend forme.
Cette intense activité se reflète dans les œuvres, par exemple dans les tableaux-pièges, composés d'objets «figés exactement dans la situation où ils ont été trouvés, sur leur support fortuit (table, boîte, tiroir, etc.)». Cette manière de geler la vie, de la part d'un artiste toujours en mouvement («Je hais l'immobilité. Je hais les fixations»), est destinée à «provoquer le malaise». L'artiste piège ses amis en révélant les reliquats de leurs agapes, il piège le spectateur aussi, confronté à ces restes de soirées joyeuses, devenus quasiment des signes de mort.
Comme chez Jean Tinguely, le thème de la mort prend d'ailleurs de plus en plus d'importance, suggéré par la présence de couteaux (Investigations criminelles, 1990), de trophées tels que des bois de cerf et des fourrures (Carnaval des animaux: le renard, 1995). Daniel Spoerri joue avec les mots, il prend des expressions au premier degré pour mettre en avant les absurdités de la parole, sa violence cachée, il s'amuse et nous amuse. Mais la composante morbide, et le kitsch, prennent le pas sur la simple utilisation du hasard et de la trouvaille. D'où une lourdeur un peu oppressante, compensée par la fraîcheur du jeu de cache-cache avec la nature, à Seggiano, au pied du Monte Amiata, où l'artiste installe ses propres créations (Labyrinthe de pierre) et celles de ses comparses dans le respect de la structure du terrain, de la flore et de la faune.
Daniel Spoerri à Fribourg. Musée d'art et d'histoire (rue de Morat 12, Fribourg, tél. 026/305 51 40/67). Ma-di 11-18 h (je 20 h). Espace Jean Tinguely – Niki de Saint Phalle (rue de Morat 2). Me-di 11-18 h (je 20 h). Jusqu'au 30 octobre.