Festival
Grand spécialiste du Japon, Pierre-François Souyri lance ce mercredi à Genève la quatrième édition d’Histoire et Cité. Thème de cette année: l’eau

Avec le temps, c’est toujours Clio qui gagne. La muse de l’histoire vole au secours des déboussolés que nous sommes. C’est dans son cahier des charges et elle assure. Fondateur et directeur à Genève du festival Histoire et Cité, Pierre-François Souyri ne dira pas le contraire. Le passé se réinvente et ses appas devraient attirer les foules dès ce mercredi, d’Uni Dufour à Uni-Mail, du Musée d’ethnographie à la Maison de la paix.
Dans la bouche de la centaine d’historiens, d’anthropologues et de romanciers à l’affiche jusqu’à samedi, des belles naïades et des noyés, des crues et des marées. Ils déclineront pour les quelque neuf mille spectateurs attendus les aventures de l’eau, celle qui fonde des mythologies, celle qui pourrait manquer à l’avenir.
Pourquoi l’eau? Parce qu’elle permet de nager loin, de toucher aussi bien à l’imaginaire qu’à l’écologie, explique Pierre-François Souyri, qui a longtemps occupé la chaire d’histoire du Japon à l’Université de Genève.
Le Temps: Avec ses conférences, ses débats, ses projections, Histoire et Cité est une formidable entreprise de vulgarisation. A qui vous adressez-vous?
Pierre-François Souyri: A tous. Depuis 2015, année de la première édition, nous avons constaté qu’affluaient beaucoup de retraités, de gens qui ont du temps, mais aussi des professeurs qui viennent avec leurs élèves. Manquent, et c’est le paradoxe, les étudiants. Ils sont peu nombreux à se déplacer. L’un de nos objectifs est de les toucher. De même qu’on devrait pouvoir drainer un public de France voisine. Je suis persuadé qu’on peut passer de 9000 à 15 000 personnes.
Innovation cette année, vous proposez des conférences à Lausanne et à Sion. Histoire et Cité a-t-il une vocation romande?
C’est l’ambition. Il y a un réservoir de public en Valais, dans le canton de Vaud. Et s’il ne vient pas à nous, autant aller à lui. Des historiens de l’Université de Lausanne nous ont ainsi rejoints. Des classes de gymnasiens valaisans viendront assister à des conférences à Genève. Nous sommes fédérateurs!
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de ce festival?
Les Rendez-vous de l’histoire à Blois, qui réunissent 30 000 à 40 000 personnes. J’ai été nommé au conseil scientifique de cette manifestation. Et j’ai aussitôt voulu transposer la formule à Genève. On m’a traité de doux rêveur. Or, ça a marché tout de suite.
Comment expliquez-vous cette fringale d’histoire?
L’actualité nous submerge et nous avons besoin d’approfondissement. Avec la Maison de l’histoire à Genève, nous avons proposé, au moment de la crise ukrainienne, une conférence sur le sujet. L’amphithéâtre d’Uni Dufour a été pris d’assaut. On parle aussi beaucoup de crise identitaire: l’historien permet d’éclairer un phénomène sur une longue durée. Signe de cette demande, les livres d’histoire marchent souvent bien, si je pense par exemple aux Routes de la soie, de Peter Frankopan, qui s’est vendu à près d’un million d’exemplaires.
Vous avez choisi l’eau comme thème de cette édition. Pourquoi?
Nous avons un conseil scientifique formé d’une quarantaine de collègues. Nous avions d’abord envisagé le climat comme thème, mais cela nous a semblé trop vague. Nous avons opté pour l’eau parce que le sujet permet des approches multiples, anthropologiques, économiques, artistiques. Et en 2020, nous nous attaquerons à la peur.
Histoire et Cité, Genève, du 27 au 31 mars; rens. https://histoire-cite.ch