«Il y aurait quelqu’un à côté de Toutankhamon», titrait de manière comique Ouest-France le 6 novembre dernier. Et les archéologues égyptiens sont sur des charbons ardents depuis le début du mois, lorsque des examens thermographiques infrarouges ont révélé des différences de température étonnantes dans le tombeau du pharaon Toutankhamon (3300 ans), onzième pharaon de la XVIIIe dynastie. Mais dans le sud du pays, l’ambiance est encore plus «chaude» depuis que de nouvelles analyses au radar ont été menées à Louxor, au cœur de la Vallée des Rois.

Lire aussi: Toutankhamon, l’ambassadeur d’Egypte

Que disent-elles, ces analyses? Elles confortent la thèse fantastique d’une chambre secrète dans ce lieu pourtant réputé maudit. Point d’exclamation! Une chambre dans laquelle pourrait être enterrée la reine Néfertiti. Point d’exclamation (bis)! La présomption est d’autant plus spectaculaire qu’à ce jour, les égyptologues n’ont jamais découvert la momie de cette reine.

Toucherait-on donc de près au corps de la souveraine à la beauté légendaire, qui exerça un rôle politique et religieux fondamental au XIVe siècle av. J.-C.? «Il y a 90% de chances» qu’il y ait «une autre tombe derrière la chambre funéraire de Toutankhamon», affirme depuis samedi le ministre égyptien des Antiquités, Mamdouh al-Damati (lire son portrait dans Al-Ahram). Ces résultats sont certes «préliminaires», et un expert japonais, Hiroaki Watanabe, avec lequel ont été menés les examens, a maintenant besoin d’un mois pour les confirmer.

Lire aussi cette archive: «L’âge et les bijoux de Toutankhamon» («Journal de Genève», 18.11.1925)

Dans le détail, les tests effectués sur le mur nord de la chambre funéraire de Toutankhamon «semblent indiquer qu’il y a une distinction claire entre de la roche dure et quelque chose d’autre, qui devrait être un espace vide», indique pour sa part l’égyptologue britannique Nicholas Reeves. Une extension, donc, abritant l’hypogée de Néfertiti, épouse du pharaon Aménophis IV – qui prit le nom d’Akhenaton – père de Toutankhamon et souverain qui convertit temporairement l’Egypte antique au monothéisme en imposant le culte exclusif du dieu du soleil, Aton.

«La présence d’une telle pièce secrète avait été théorisée il y a quelques mois» par Nicholas Reeves, précise le site Maxisciences: «L’hypothèse du chercheur de l’Université d’Arizona s’appuyait alors sur une analyse détaillée de scanners réalisés dans la chambre funéraire […]. L’expert avait mis en évidence des traces linéaires sous les fresques ornant le mur nord du tombeau, pouvant être le signe» de deux portes dissimulées. Les différentes analyses menées depuis ne font qu’étayer sa théorie.»

Dès lors, la question est: pourquoi la reine aurait-elle été enterrée là? Tout le mystère trouverait son origine dans le décès inattendu de l’enfant-roi à 19 ans, en 1324 av. J.-C., après seulement neuf ans de règne, estime Nicholas Reeves: faute de tombeau disponible pour accueillir Toutankhamon, les prêtres auraient décidé de rouvrir la tombe de Néfertiti, dix ans après sa mort, pour y inhumer également le jeune pharaon.

Voir ici: les fresques du tombeau de Toutankhamon en très haute résolution

Si, pour l’égyptologue, la première porte mène à la chambre funéraire de Néfertiti, la seconde pourrait conduire à une chambre de stockage encore inexplorée elle aussi. Mais attention, tout de même, prévient La Croix: «Les effets d’annonce ne sont pas rares dans l’univers de l’égyptologie.» Et de toute manière, on est loin d’avoir fait toute la lumière sur la mystérieuse mort de Néfertiti, comme l’explique dans tous les détails Sciences et Avenir, qui parle de «cold case»!

Le ministre de tutelle égyptien qualifie d’ores et déjà ces éléments de «découverte du XXIe siècle», même s’il pense, lui, que la chambre secrète renferme plutôt la sépulture de Kiya – une autre épouse d’Akhenaton – et peut-être encore d’autres membres de la famille royale. Parce que la tradition herméneutique montre que Néfertiti – dont le buste est conservé au Neues Museum de Berlin, voir ci-dessous – n’aurait jamais pu être enterrée dans la Vallée des Rois», puisqu’elle a précisément participé au culte d’Aton. Les prêtres s’y seraient opposés.

Il y a donc un conflit d’interprétation, dont Sciences et Avenir, dans un autre article, présente toutes les hypothèses formulées jusqu’ici. Mais «l’Egypte veut y croire. Pour ce pays dont le secteur touristique représentait un tiers du PNB avant le Printemps arabe, et qui aujourd’hui pâtit dramatiquement du terrorisme islamiste, découvrir une tombe pharaonique inviolée serait une aubaine», juge Le Figaro.

La technique actuellement utilisée par l’institut français Héritage, Innovation, Préservation (HIP) et la Faculté des ingénieurs du Caire est la même que celle employée dans le cadre de l’ambitieuse campagne Scan Pyramids, lancée le 25 octobre, afin de percer les secrets des monuments funéraires de Gizeh et Dahchour.

Contrairement aux tombeaux d’autres pharaons qui ont quasiment tous été pillés au fil des millénaires, le mausolée de Toutankhamon, découvert en novembre 1922 par l’archéologue britannique Howard Carter, recelait plus de 5000 objets intacts, vieux de 3300 ans, dont bon nombre en or massif. Ils font aujourd’hui la gloire du musée historique de la place Tahrir. Et, en mai 2018, l’ensemble sera exposé dans son intégralité au sein du Grand Egyptian Museum, dont le chantier se termine à proximité des pyramides de Gizeh.

Décidément, «notre fascination pour Toutankhamon lui assure la vie éternelle», écrit France Info après cette nouvelle phase du dévoilement du mystère:

Voilà qui rappelle aussi ce moment extraordinaire où, «face à Louxor, sur la rive ouest du Nil, Howard Carter […] découvre un véritable trésor».

Voir ici: Les photos d’époque colorisées (Levif.be)

Quelques années plus tard, il en fit ce récit: «Je coupai le cordon avec soin, enlevai le sceau précieux, tirai les verrous, et ouvris la porte. Dans un silence de mort, le couvercle énorme pesant plus d’une tonne et un quart a été soulevé de son lit. Un soupir d’émerveillement s’échappa de nos lèvres. Devant nos yeux, le spectacle était tellement magnifique. La sublime effigie en or du jeune roi remplissait l’intérieur…»