En fait, il faudrait suivre les poètes à la trace. Sur la neige, le long des rivières, sur les lacs ou en contemplation devant des cactus. Ils parlent depuis longtemps aux arbres, aux animaux, aux humains que nous sommes. Ils recherchent cet état d’attention, de vie pleine et entière, recentrée, et proposent des mots, simples, pour le dire.

Ils n’ont jamais cessé de parler. Encore faut-il tendre l’oreille. Au moment où les slogans pour le climat résonnent dans les rues, au moment où chacun intimement s’inquiète des oiseaux, des abeilles et de son empreinte carbone, où ce sentiment de coupure avec ce qui fait communauté, avec le cours des saisons est vécu comme un exil, à cet instant précis donc, les voix des poètes qui marchent le long des chemins de traverse se font entendre avec une clarté nouvelle.

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Les os de baleine

Or les poètes arpenteurs se sont donné rendez-vous en Suisse romande à la suite de Gustave Roud, de Cingria ou de Philippe Jaccottet. Jean Prod’hom marche et écrit en suivant les cours d’eau du Seeland (Novembre, D’autre part), à l’affût des chardonnerets. L’Ecossaise Kathleen Jamie, traduite en français à La Baconnière, observe les icebergs et les os de baleine dans Tour d’horizon. Cees Nooteboom, dans les pages qui suivent, regarde pousser les cactus de son jardin de Minorque, entre en dialogue avec les animaux et les choses, fait parler les livres. Jean-Christophe Bailly, poète géographe, est venu parler des fleuves et des rivières et des façons dont ils relient ou séparent paysage et habitants, à la Librairie du Boulevard, à Genève, le 29 mars.

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Poètes québécois

Dès le 1er avril, le Printemps de la poésie et ses 130 événements, de Martigny à Montricher, de Saignelégier à Genève, rappellent que le monde entier est ici, partout où l’on écoute, écrit, chante de la poésie. Dans cet élan, deux festivals se déploient, les Salves poétiques à Morges et les Cellules poétiques à Martigny. Des poètes québécois traversent l’Atlantique pour l’occasion. Jean-Pierre Siméon, poète, directeur de la collection Poésie/Gallimard, sera à Lausanne. Que la poésie sauvera le monde, c’est lui qui l’écrit dans un manifeste qui donne immédiatement envie de s’engager. Pour se relier aux autres, autrement que par des slogans, du marketing, de la propagande. Pour, dans le silence de la lecture, écouter battre la Terre, lever la tête et marcher le long des cours d’eau.