L’objet semblait presque banal. Un peigne, découvert en 2016 en Israël, a passé plusieurs années dans un dépôt, avant que la découverte d’une inscription sur son flanc n’attire l’attention des chercheurs. Ces 17 signes gravés dans l’ivoire, mesurant chacun quelques millimètres, forment une rare inscription en langue cananéenne. Il s’agit même de la première phrase complète connue dans cet alphabet très ancien, ancêtre lointain du nôtre, a annoncé l’Université hébraïque de Jérusalem mercredi.

Le peigne, qui mesure 3,5 cm sur 2,5 cm et date de 1700 ans avant J.-C., a été retrouvé en 2016 lors de fouilles sur le site archéologique de Tel Lachish, une localité importante de la période cananéenne située à environ 40 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem. Il a ensuite été entreposé avec les centaines d’autres objets découverts pendant plusieurs années, personne n’y ayant décelé la minuscule inscription. Ce n’est que cette année que Madeleine Mumcuoglu, parasitologue et archéologue à l’Université hébraïque de Jérusalem, a ressorti l’objet pour tenter d’y trouver des traces de poux. «Je me suis concentrée sur les dents […]. J’ai obtenu de magnifiques photos au microscope», confie-t-elle au New York Times. Et c’est tout à fait par hasard, en regardant une photo de l’objet en entier, prise avec son téléphone, qu’elle remarque la présence d’une gravure.

Elle alerte les spécialistes de l’alphabet cananéen, dont les archéologues connaissaient déjà dix inscriptions similaires, mais jamais une phrase entière. Or les 17 signes dessinés sur le peigne forment bien une phrase, qui a pu être déchiffrée: «Que cette défense éradique les poux des cheveux et de la barbe.»

Une inscription «très humaine»

Ce résultat, publié dans le Jerusalem Journal of Archaeology, est une contribution majeure à la compréhension de l’utilisation de cette écriture il y a plus de 3700 ans. Si l’alphabet utilisé intéresse autant les archéologues, c’est qu’il s’agit de l’une des premières écritures connues constituées de phonèmes, des signes liés à des sons, contrairement aux hiéroglyphes, par exemple. L’évolution de cette écriture ancienne a ensuite donné naissance à l’alphabet phénicien, puis l’araméen, le grec ancien et enfin le latin, soit la base de nos caractères contemporains.

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La phrase est d’autant plus proche de nous qu’elle fait référence à une situation à laquelle on peut encore s’identifier aujourd’hui. «L’inscription est très humaine», commente dans le Guardian le professeur Yosef Garfinkel, archéologue de l’Université hébraïque de Jérusalem, qui a aidé à diriger les fouilles de Lachish. «Vous avez un peigne et, sur le peigne, vous avez inscrit le souhait de détruire les poux des cheveux et de la barbe.» De nos jours, on utiliserait certainement des produits pour les éradiquer, poursuit-il.

La phrase, si triviale soit-elle, représente «la preuve directe» de l’usage de l’alphabet cananéen dans la vie quotidienne à l’époque, explique Yosef Garfinkel. Le peigne, lui, soulève encore de nombreuses interrogations, comme le fait qu’il soit fabriqué en ivoire – alors qu’il n’y avait pas d’éléphants dans la région à l’époque. Il s’agirait ainsi d’un objet de luxe, mais qui a bien été utilisé dans sa fonction première, preuve en sont les restes d’œufs de poux découverts entre ses dents.

Le but de l’inscription a lui aussi quelque chose de mystérieux. Pour Yosef Garfinkel, trouver un peigne sur lequel est écrite une phrase pour conjurer les poux revient à «trouver une assiette qui dirait: «Mettez de la nourriture dans cette assiette», cite le New York Times.