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«Printemps, été, automne, hiver… et printemps», cinq saisons pour une révélation coréenne

Printemps. La Suisse romande découvre donc, dès ce mercredi d'avril, le

Printemps. La Suisse romande découvre donc, dès ce mercredi d'avril, le Sud-Coréen Kim Ki-duk. Précédé d'une réputation d'autodidacte, d'entretiens dans lesquels il prétend n'avoir vu aucun film ni suivi aucun cours, il impose, de plus, une célérité étonnante: 10 films en huit ans. Non qu'il s'agisse d'un exploit économique: avec la France et l'Inde, la Corée du Sud est l'un des seuls pays dont le cinéma résiste au rouleau compresseur américain avec, en 1992 encore, 50% de parts de marché. Ce miracle, cocon parfait pour de multiples nouveaux talents, se produit grâce à une loi protectionniste, contestée en ce moment par les conservateurs ultralibéraux, qui réserve aux films coréens une centaine de jours de programmation par année dans chaque salle et un quota de 20% des œuvres diffusées à la télévision. Une mesure extrême, certes, mais amplement méritoire s'il s'agit de défendre le jeune Kim Ki-Duk ou l'aîné Im Kwon-taek, ce cinéaste aux 100 films dont Le Chant de la fidèle Chunyang (2000) et Ivre de femmes et de peinture (2001) sont parmi les seuls ouvrages coréens distribués en Suisse au cours de la dernière décennie.

Eté

Gagnant objectif du Festival de Locarno dans les grandes chaleurs d'août dernier (même si le fade Kamosh Pani a remporté le Léopard d'or), Printemps, été, automne, hiver… et printemps se décline aux couleurs des cinq saisons de la vie. L'enfance coïncide avec le printemps: un bambin, qui vit dans une maison flottante au milieu d'un petit lac avec un vieux moine, s'amuse à attacher des pierres sur un poisson, une grenouille, un serpent, avant que son mentor ne le punisse en lui faisant subir le même sort. Vient l'été, et l'adolescence: le jeune moine tombe amoureux d'une patiente venue se reposer et, tandis qu'il s'adonne aux joies de la chair, elle, guérie, doit repartir. L'automne et ses couleurs funèbres ramènent l'amoureux vers le lac: il fuit la ville où il avait suivi sa belle parce que, rendu fou qu'elle l'ait trompé, il l'a poignardée à mort. L'hiver a envahi la petite vallée, recouvrant le corps du vieux moine décédé, et son jeune disciple, à présent d'âge mûr, revient au lac après des années de prison. Mais déjà, sur la glace qui enserre la maison flottante, une mère masquée s'apprête à abandonner un bébé, celui qui attachera des grenouilles, des poissons, des serpents le printemps venu.

Automne

Peintre avant de devenir cinéaste, Kim Ki-Duk fait coïncider sa quête mystique – il voulait devenir prêtre avant de quitter le christianisme pour se convertir au bouddhisme – avec ses préoccupations picturales. La nature morte constitue naturellement le motif fondamental, et sublime, du film. Mais on aurait tort de redouter un exercice de style contemplatif lourdement symbolique: si le ton général tranche avec les précédentes œuvres du cinéaste, fables sulfureuses où les femmes étaient malmenées, il poursuit, néanmoins, sa plongée dans les affres de la cruauté: brutalité du destin, éternel et terrible recommencement de la condition humaine, jouissances systématiquement punies, bouddhisme traité sous l'angle le plus coupant. De toutes les saisons, il paraît évident que l'automne est celle que Kim Ki-duk préfère.

Hiver

Sous ses apparences chaleureuses et ses belles interprétations (notamment celle du cinéaste lui-même dans le rôle du moine devenu adulte et assassin), Printemps, été… claque sur l'écran avec la simplicité d'une parabole glaçante. Mais sans prosélytisme: dans les eaux du lac qui sépare la maison, seul décor du film, du reste du monde, le cinéaste noie simplement et gèle, une fois pour toutes, la principale occupation de l'arrogance humaine: la volonté de tout maîtriser.

… et printemps

Devant la force et la beauté émouvante de ce film, il faut espérer que les distributeurs n'attendent pas le printemps prochain avant de sortir, comme en France où les cinéphiles le connaissent depuis longtemps, l'un ou l'autre des précédents ouvrages de Kim Ki-duk. Précédents ou suivant: depuis Printemps, été…, ce diable de cinéaste a terminé La Samaritaine, Ours d'argent de la meilleure réalisation à Berlin début février!

Printemps… de Kim Ki-duk (Corée du Sud, Allemagne 2003).