Gagnant objectif du Festival de Locarno dans les grandes chaleurs d'août dernier (même si le fade Kamosh Pani a remporté le Léopard d'or), Printemps, été, automne, hiver… et printemps se décline aux couleurs des cinq saisons de la vie. L'enfance coïncide avec le printemps: un bambin, qui vit dans une maison flottante au milieu d'un petit lac avec un vieux moine, s'amuse à attacher des pierres sur un poisson, une grenouille, un serpent, avant que son mentor ne le punisse en lui faisant subir le même sort. Vient l'été, et l'adolescence: le jeune moine tombe amoureux d'une patiente venue se reposer et, tandis qu'il s'adonne aux joies de la chair, elle, guérie, doit repartir. L'automne et ses couleurs funèbres ramènent l'amoureux vers le lac: il fuit la ville où il avait suivi sa belle parce que, rendu fou qu'elle l'ait trompé, il l'a poignardée à mort. L'hiver a envahi la petite vallée, recouvrant le corps du vieux moine décédé, et son jeune disciple, à présent d'âge mûr, revient au lac après des années de prison. Mais déjà, sur la glace qui enserre la maison flottante, une mère masquée s'apprête à abandonner un bébé, celui qui attachera des grenouilles, des poissons, des serpents le printemps venu.
Automne
Peintre avant de devenir cinéaste, Kim Ki-Duk fait coïncider sa quête mystique – il voulait devenir prêtre avant de quitter le christianisme pour se convertir au bouddhisme – avec ses préoccupations picturales. La nature morte constitue naturellement le motif fondamental, et sublime, du film. Mais on aurait tort de redouter un exercice de style contemplatif lourdement symbolique: si le ton général tranche avec les précédentes œuvres du cinéaste, fables sulfureuses où les femmes étaient malmenées, il poursuit, néanmoins, sa plongée dans les affres de la cruauté: brutalité du destin, éternel et terrible recommencement de la condition humaine, jouissances systématiquement punies, bouddhisme traité sous l'angle le plus coupant. De toutes les saisons, il paraît évident que l'automne est celle que Kim Ki-duk préfère.
Hiver
Sous ses apparences chaleureuses et ses belles interprétations (notamment celle du cinéaste lui-même dans le rôle du moine devenu adulte et assassin), Printemps, été… claque sur l'écran avec la simplicité d'une parabole glaçante. Mais sans prosélytisme: dans les eaux du lac qui sépare la maison, seul décor du film, du reste du monde, le cinéaste noie simplement et gèle, une fois pour toutes, la principale occupation de l'arrogance humaine: la volonté de tout maîtriser.
… et printemps
Devant la force et la beauté émouvante de ce film, il faut espérer que les distributeurs n'attendent pas le printemps prochain avant de sortir, comme en France où les cinéphiles le connaissent depuis longtemps, l'un ou l'autre des précédents ouvrages de Kim Ki-duk. Précédents ou suivant: depuis Printemps, été…, ce diable de cinéaste a terminé La Samaritaine, Ours d'argent de la meilleure réalisation à Berlin début février!
Printemps… de Kim Ki-duk (Corée du Sud, Allemagne 2003).