Faut voir
Etre, puis avoir Charlie
La file évoque les tickets de rationnement pendant la Seconde Guerre mondiale ou les Etats communistes soumis à des blocus. Mercredi en France, jeudi en Suisse, vendredi en Grande-Bretagne, ils sont des milliers à espérer dans le froid de l’aube un exemplaire de Charlie. Files humaines serpentant sur le bitume. Masse d’individus aux motivations multiples. Après avoir été Charlie, ils veulent l’acheter. Mais pourquoi?
Beaucoup, esprit de collectionneur, souhaitent acquérir un document historique, une édition qui fera date. Nombreux sont là pour marquer leur soutien, que les ventes de l’hebdomadaire, pour une fois s’envolent. Certains, évidemment, sont animés par une curiosité malsaine; ils se demandent où et comment apparaîtront les morts. D’autres s’inquiètent de savoir si un dessin provocateur est susceptible de mettre le feu aux poudres. Quelques-uns achètent pour revendre. Moult sont là parce qu’il faut être là, sans plus de réflexion. «Auriez-vous encore un Charlot?» demande une dame dans le centre de Genève, avant, peut-être, de se rabattre sur Closer ou 20 minutes.
La foule est agglutinée mais protéiforme. A l’image de celle, massive, qui a défilé dimanche dans les rues de France. «Ils vont moins faire les malins maintenant les musulmans», a déclaré une quadragénaire avant de se rendre à la marche, entourée de gens pensant comme elle, défilant tant pour Charlie que contre l’islam. Comme Charlie Hebdo après Hara-Kiri, la foule peut être bête et méchante.