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Quatre photographes genevois dévisagent un Meyrin métis

La cité genevoise redore son image par le biais d'un ouvrage de photographie et d'un accrochage. Une réussite qui repose sur un financement original.

D'une pierre deux coups. En mandatant quatre photographes genevois pour tirer le portrait de leur commune, les autorités de Meyrin ont réalisé une jolie opération de communication politique et un beau geste artistique. Techniquement très maîtrisés, riches de leurs approches complémentaires, les travaux de Didier Béguelin, Laurence Bonvin, Jean-Marc Meunier et François Schaer – réunis sur un catalogue et exposés jusqu'au 9 février au Forum Meyrin – séduisent autant par le fond que par la forme. Mais ils offrent également à la commune genevoise une carte de visite qui l'affranchit de son image de banlieue défavorisée.

«La plupart des gens qui vivent à Meyrin ne s'en plaignent pas, avance Gilbert Meillaz, maire actuel de la commune et président de son Fonds de décoration. Mais à l'extérieur, la commune est encore perçue comme une cité mal famée. De ce point de vue Meyrin 1999-2001: quatre photographes est un outil extrêmement utile. C'est un témoignage sur ce qu'est réellement Meyrin aujourd'hui. On y voit cohabiter une population très métissée, beaucoup de jeunes, dans des attitudes qui n'ont rien de violent ou d'agressif.»

Une formule ancienne

A la base de cette opération, une formule déjà ancienne, mais efficace. «Le Fonds de décoration de Meyrin a été créé en 1985, relate Gilbert Meillaz. L'idée de base était de pouvoir disposer d'une somme prélevée à hauteur de 2% sur les crédits accordés aux constructions de la commune (école, routes, canalisation, travaux d'assainissement ou de rénovation) pour acheter des œuvres d'art. L'avantage, c'est que le Fonds ne dépend pas de la conjoncture. Si la décision devait revenir à chaque fois aux politiques, nous serions sans doute plus frileux.»

Mais la commission consultative en charge de sa gestion a également le loisir de prendre des initiatives. Souhaitant marquer le passage du millénaire d'une manière ou d'une autre, les artistes, experts et hommes politiques qui la composent ont donc choisi de mandater quatre photographes pendant près de trois ans avec pour cahier des charges une quasi- carte blanche. Coût du projet, exposition et publication (un luxueux coffret réunissant une brochure pour chaque photographe et un texte introductif) inclues: 150 000 francs. Seul impératif: «Concevoir et réaliser un travail d'auteur sur une des entités de la vie meyrinoise.»

Une liberté de choix et d'action assumée par les mandataires – qui malgré quelques doutes et incompréhensions n'ont jamais tenté d'interférer sur l'évolution du projet – comme par les photographes. Non sans difficultés. «C'est quoi un Meyrinois?» interroge François Schaer dans le texte qui accompagne les images. Pour chacun des artistes, il a fallu empoigner la question, se faire une idée, avant de pousser le déclencheur. «L'idée de carte blanche suppose une grande liberté artistique, précise Jean-Marc Meunier [qui est aussi correcteur de notre journal, ndlr.], mais le danger c'est la tentation constante de rechercher l'exhaustivité. Devant l'attente qu'on suppose, on commence à avoir peur de faire des choix. Il fallait trouver un fil rouge, quelque chose de saillant. Ce qui n'a pas été facile dans une commune comme Meyrin, où, au fond, tout roule.»

Cheminement aléatoire, doutes et étonnements qui font écho au récit de François Schaer: «J'avais les préjugés qu'on colle habituellement à la banlieue, mais Meyrin est l'endroit le plus calme du monde. Même si les gens se sont montrés moins méfiants face à l'objectif qu'à Londres, par exemple, où j'ai également travaillé. J'ai parfois trouvé qu'il y manquait de gueules, de gens qui portent la vie sur eux. En dehors du métissage qui est omniprésent, Meyrin n'a pas d'identité claire.» «C'est comme si les gens ne s'étaient pas approprié la ville», ajoute Laurence Bonvin.

Trois des quatre photographes ont pourtant choisi le portrait comme mode d'expression. Comme si l'on ne pouvait échapper à cette évidence: Meyrin, c'est d'abord les gens qui y vivent. Plus de 100 nationalités pour 20 000 habitants et, partant de là, une multitude d'ethnies, de coutumes, de regards et d'attitudes face à l'objectif. C'est ce que racontent les adolescents sérieux de Laurence Bonvin, les saynètes subtiles de Didier Béguelin ou les passants arrêtés que François Schaer a fixé dans la profondeur de la pellicule noir et blanc.

Et le reste? «Un décor», suggère Jean-Marc Meunier dans la série qu'il consacre aux barres d'immeubles de la cité. Des paysages urbains dénués de personnages: «Pour éviter d'aller vers l'anecdote, le récit. Pour se concentrer uniquement sur ces blocs de béton qui ont été posés sur l'herbe dans les années 60 et auxquels on n'a plus touché depuis.» Une scène idéale, en somme, pour cette étrange comédie humaine qu'on appelle la vie.

Meyrin 1999-2001: Quatre photographeS: Didier Béguelin, Laurence Bonvin, Jean-Marc

Meunier, François Schaer.

Exposition au Forum Meyrin, 1, place des Cinq-Continents, Meyrin. Renseignements au 022/782 82 82 et 022/989 34 34, jusqu'au 9 février. Lu-sa 14-18 heures. Catalogue en vente sur place.