Le quotidien «Le Matin» disparaîtra le 21 juillet
Presse
Tamedia a décidé l’arrêt de la version papier de son journal populaire. Quelque 50 postes pourraient être supprimés, selon une source syndicale

Tamedia a confirmé ce jeudi matin, 7 juin, les informations données mercredi soir. 41 personnes seront licenciées. L'éditeur indique qu'«en 2017, la marque [Le Matin] a perdu 6,3 millions de francs et près de 34 millions au cours des dix dernières années».
C’est la fin du quotidien populaire romand Le Matin. Du moins dans sa version papier: elle cessera d’être imprimée à partir du 21 juillet, selon un communiqué du groupe Tamedia diffusé jeudi matin. L'éditeur du Matin confirme ainsi une information donnée mercredi soir par la télévision alémanique SRF.
Le Matin, édition de la semaine, disparaitra donc la veille du dernier jour du festival Paléo, dont le titre est un partenaire historique. Le feu d'artifice sur la plaine de l'Asse aura une couleur particulière pour les fidèles du journal.
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Le syndicat parle de 50 postes
Selon des sources internes, et l’article publié sur le site de la SRF, le syndicat Impressum tente de s’opposer aux licenciements prévus dans la foulée de l’arrêt du Matin auprès de l’instance de conciliation des conflits du travail du canton de Vaud. «Nous craignons le licenciement de quelque 50 employés à Lausanne, a déclaré la secrétaire centrale d’Impressum Dominique Diserens à la SRF. Dont 17 journalistes du Matin, le reste sont des photographes, des graphistes et des secrétaires de rédaction», qui assurent aujourd’hui la mise en page du journal.
Patrick Matthey, porte-parole romand du groupe, refusait mercredi soir de commenter l’information dans la mesure où «aucune décision n’a encore été prise». Le conseil d'administration de l'entreprise se réunissait en effet jusqu'à jeudi matin. C'est alors seulement que les employés devraient être informés des détails du plan d'arrêt du Matin papier.
Mercredi en toute fin de journée, le rédacteur en chef Grégoire Nappey et son homologue de 20 Minutes Philippe Favre – les deux titres partagent la même rédaction – ont réuni les collaborateurs pour une séance de crise, selon des sources internes. Les deux cadres ont eu l’interdiction de se prononcer hors de leurs murs sur la disparition du titre tant que celle-ci n’a pas été actée par le conseil d’administration. A l'interne, cependant, plus personne n’espère un retournement de situation. «Cela fait des semaines que l’ambiance est mauvaise, commente un des salariés. On le sait, on est condamnés.»
Une survie sur internet
Le Matin ne devrait survivre que sur internet. Le titre était déficitaire depuis plusieurs années – la SRF évoque le chiffre de 6 millions de francs de perte par an –, mais le groupe Tamedia avait jusqu'ici refusé de l’arrêter, notamment pour ne pas alourdir les frais d’impression de ses autres titres, dont 24 heures, La Tribune de Genève et Le Matin dimanche en Suisse romande.
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Journal populaire, lu et distribué dans les bistrots, Le Matin a souffert de la diffusion du quotidien gratuit 20 minutes, lui aussi propriété du groupe Tamedia. Héritier de la Tribune de Lausanne, le titre existait sous sa forme actuelle depuis trente-quatre ans. Selon le dernier rapport annuel de Tamedia, Le Matin est imprimé à près de 38 000 exemplaires et atteint 234 000 lecteurs en Suisse, un chiffre en diminution de 2% par rapport à l'année précédente.
Stephanie Vonarburg, qui suit le dossier chez Syndicom, regrette «l'opacité» de Tamedia. Une procédure officielle de conciliation est ouverte dans le canton de Vaud. Une séance est d'ores et déjà prévue vendredi 8 juin. En théorie, rien ne sera décidé tant que cette procédure est en cours. «Si Tamedia lance un plan de licenciements alors que la conciliation n'est pas finie, ce serait un affront», juge Stephanie Vonarburg. Ce qui marquerait un nouveau chapitre du conflit entre la rédaction et le groupe.
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Cet article a été modifié après publication pour donner la date officielle de la disparition du Matin papier, soit le samedi 21 juillet.
Un journal populaire en huit dates
1893: Lancement de la Tribune de Lausanne. Contrairement aux journaux de l’époque, connotés politiquement, le nouveau titre se veut relativement neutre. Il paraît le matin tous les jours de semaine sauf le lundi. En 1896, il absorbe L’Estafette.
1912: Le journal lance son édition du dimanche.
1972: La Tribune est toujours utilisé en semaine, l’édition du dimanche devient Le Matin dimanche. Par la suite, le nom du journal devient La Tribune Le Matin.
1984: La Tribune devient définitivement Le Matin.
1994: Mort de La Suisse. La guerre entre les deux titres populaires avait fait rage, notamment sur le sport. En 2001, le journal prend le format tabloïd – le 11 septembre de cette année-là… Ce sera le virage vers le people et les faits divers.
2005: Dans un paysage de presse bousculé, Edipresse lance Le Matin bleu, pour faire face à la concurrence de 20 Minutes. En 2009, lorsque Tamedia, qui édite 20 Minutes, reprend Edipresse, Le Matin bleu est abandonné.
2008: La nouvelle secoue la Suisse romande. Le Matin, qui était le dernier quotidien supra-régional romand – avec Le Temps –, abandonne son réseau de correspondants dans les cantons.
2018: En janvier, Tamedia annonce la fusion des rédactions de 20 Minutes et du Matin. Les sports forment une entité commune à tous les titres romands du groupe. (N.Du.)