Et si «Les Destinées sentimentales» (LT du 3 août) était le meilleur film d'Olivier Assayas à ce jour? A l'épreuve de l'adaptation littéraire (un roman de Jacques Chardonne) et du film en costumes, tous les défauts de l'auteur de «Fin Août, début septembre» deviennent des qualités. Admirablement tenue de bout en bout, sa mise en scène évite tous les pièges du genre pour une saga passionnante, doublée d'une méditation sur l'amour conjugal. Mais les avis sont partagés.
L'Hebdo
Lausanne, 3 août 2000
Béart anachronique
«Les grands films qu'un Visconti a pu tirer d'un livre émeuvent Assayas «par la vibration littéraire qui y demeure». Ce dièse enrichit considérablement Les Destinées, spectacle ambitieux qui parle à l'intelligence du spectateur. […] Mais Les Destinées marquent aussi des limites. Qui trop embrasse mal étreint. […] Le pire défaut de cette fresque, c'est hélas! Emmanuelle Béart. Elle promène son profil anachronique de Donald le canard (Dieu du ciel, qu'est-ce qui lui a pris de se faire refaire les lèvres?), elle plonge ses yeux d'azur sombre dans l'objectif, elle semble exprimer dans le moindre des plans toute sa sublime souffrance et son humanisme infini. Admirez ma sensibilité à fleur de peau, voyez ma beauté intérieure! […] En revanche, buté, inquiet, dur, hanté, Charles Berling est extraordinaire.» (Antoine Duplan)
Les Cahiers du cinéma
Paris, N° 548, juillet-août 2000
Comme chez Hawks
«La teneur de ses ellipses, la ligne de fuite en avant de Jean, l'absence de cercle, de boucle, temporelle ou spatiale, sont la force vive du récit des Destinées… et les pendants cinématographiques du charme, de la magnanimité romanesques de Pauline, du mystère de son savoir- vivre et transmettre, qui va bien au-delà […] de la reconnaissance (immédiate comme chez Hawks) de son idéal masculin.»
(Marie-Anne Guérin)
Libération
Paris, 12 juillet 2000
Continuum de poussière
«Malgré ce goût de cadavre prégnant auquel nous devrons tous nous habituer, et qui n'est d'ailleurs pas forcément désagréable, Les Destinées sentimentales est une saga toute en sagesse, l'épopée placide d'un amour si fou qu'il croise sereinement à la surface d'une mer sociale homérique et glisse presque paisiblement sur l'océan démonté de l'histoire de France. […] Assayas donne des Destinées sentimentales une lecture limpide: c'est un chant du cygne, une cathédrale fanée, le récit sublime de la déréliction générale, du grand continuum de poussière, de fadeur, de ruines et d'extinction auquel nous sommes tous activement promis.» (Olivier Séguret)
Synopsis
Paris, N° 8,
juillet-août 2000
Jeu d'ellipses
«A cette manière de mêler affaires et sentiments s'ajoute la forme «protestante» du film, toute en retenue et en tension. Point d'effusions, d'explications et de crises de larmes. Tout ce qui s'approche d'une émotion exacerbée est systématiquement ellipsé. Ellipsée, la douleur de Marcelle que l'on empêche d'épouser l'homme qu'elle aime. Ellipsées, les retrouvailles entre Jean et Pauline après que Jean s'est perdu dans la montagne suisse. Ellipsé, l'abandon charnel de Jeanne à un jeune homme. En revanche, le trouble, la solitude, trouvent naturellement leur place dans le scénario.» (Juliette Sales)
Le Nouvel Observateur
Paris, N° 1862, 15-21 juillet 2000
Renversante Mouchet
«Charles Berling et Emmanuelle Béart bien sûr, cette dernière d'une richesse et d'une variété d'expressions qu'on ne lui connaissait pas, mais aussi Isabelle Huppert, dans un rôle difficile parce qu'absent, claquemuré, auquel elle donne une présence sans rapport avec la durée de ses apparitions. Et puis encore Catherine Mouchet, renversante à chaque mot, à chaque regard, dont on attend depuis Thérèse que quelqu'un lui donne un film entier rien que pour elle.» (Pascal Mérigeau)
Le Matin
Lausanne, 2 août 2000
Pas la politesse
de faire court
«De l'autre côté de l'Atlantique, quand on vous ennuie, on a au moins la politesse de le faire en une heure trente. Ici, il faut attendre plus du double avant de sortir de la salle.»
(Eva Grau)
Tribune
de Genève
Genève, 17 mai 2000
Réussite indéniable
«Voilà un projet qui n'avait rien d'intimiste. Et son ambition n'allait pas sans une réelle mise en danger. Mais Assayas peut désormais se rassurer. Au terme de trois heures de projection, Les Destinées sentimentales a été chaleureusement ovationné [à Cannes]. Pour une fois, la réussite est indéniable.»
(Pascal Gavillet)
L'Humanité
Paris, 12 juillet 2000
L'horreur
du capitalisme débridé
«Jean dans son temps, c'est le grand patronat dans toute l'horreur du capitalisme débridé. Mais Jean dans son temps, c'est aussi bien Olivier Assayas utilisant l'éventail des ressources du cinéma de papa pour donner une création éminemment moderne, réalisant un film de production lourde mais fin, élégant, subtil. C'est aussi, si l'on veut se reporter au moment où débute l'histoire, les frères Lumière, écrasés par la fabrication de masse taylorisée de Charles Pathé.» (Jean Roy)
Film
Lausanne, N° 12, août 2000
Au dernier souffle
«Jean Barnery […] va s'acharner à réaliser son rêve de beauté, de perfection. Il s'obstine sans succès à créer une usine moderne, automatisée, qui le sauverait de la faillite. Mais ce n'est que sur son lit de mort, avant d'exhaler son dernier souffle, qu'il finira par comprendre: «L'amour, il n'y a rien d'autre dans la vie… Rien».» (Frédéric Maire)
Extraits choisis par Olivier Perrin