Exposition
Le Musée du papier peint de Mézières s’intéresse aux chambres d’enfants avec une exposition aux allures de conte de fées

Le château de Mézières, près de Romont, est réputé depuis longtemps pour la qualité des papiers peints choisis par la famille de Diesbach entre 1780 et 1830, très bien conservés sur ses murs. En 2007, le Musée du papier peint, géré par une fondation mixte, y a ouvert ses portes. Cet automne, en plus des décors habituels qui valent eux-mêmes toujours le détour, la grande maison prend des airs de contes de fées avec une exposition thématique sur les chambres d’enfants. Esther Maria Jungo en est la commissaire, qui avait déjà envahi château et jardin de projets utopiques l’été dernier avec l’association fribourgeoise Charlatan.
La chambre d’enfant n’est pas une évidence. Si elle est devenue une pièce indispensable des demeures bourgeoises au XIXe siècle, elle demeure une abstraction pour une majorité d’enfants dans le monde en ce début du XXIe siècle. Au centre de la visite, une œuvre le rappelle de manière spectaculaire et colorée. C’est un vieux tricycle surchargé de baluchons, ces bottaris imprimés ou brodés de fleurs utilisés en Corée, le pays d’origine de l’artiste Kimsooja, dans lesquels sont transportés les effets d’un ménage. Il évoque au mieux la vie nomade, au pire les exils qui forcent aujourd’hui des dizaines de millions d’êtres humains, et beaucoup d’enfants, à vivre sur les routes.
Ce lieu où l’enfant construit son univers personnel,
Ces réalités fort éloignées de l’idéale chambrette où des parents attentifs racontent une dernière histoire, où l’enfant construit son univers personnel, nous sont aussi rappelées dans la cage d’escalier. Un étrange rideau qui parcourt tous les étages et nous fait voir le monde extérieur à travers des fleurs fabriquées dans du fil de fer barbelé par l’artiste alémanique Ursula Palla. Motif récurrent, comme sur les papiers peints, mais un brin cauchemardesque.
La collection du Musée de Rixheim, près de Mulhouse, nourrit l’exposition de quelques trésors, comme ce papier des années 1770-1780 évoquant Robinson Crusoé, provenant d’une manufacture française. L’aventurier s’y promène avec son petit chien, tenant ombrelle d’une main et fusil de l’autre. Des illustrations de livres ont souvent été reprises pour orner les chambres d’enfants, comme ces dessins de l’Anglaise Kate Greenaway où jouent des petites filles modèles. Les bandes dessinées apporteront aussi leur lot de personnages au XXe siècle, comme ces Spirou et Fantasio imprimés il y a moins de vingt ans.
Quand ce ne sont pas les murs entiers qui sont envahis de motifs floraux, d’aimables scènes de jardinage, de basses-cours et de bergeries, les frises permettent de faire courir les motifs autour de la pièce. Celles-ci sont très prisées dès la fin du XIXe siècle, avec leurs dessins souvent influencés par le mouvement Arts & Crafts.
Parmi les œuvres contemporaines qui dialoguent avec cet environnement souvent délicieusement suranné, plusieurs sont signées par Ursula Palla, la plus spectaculaire étant sans doute ce bouquet de fleurs qui, contrairement à tous ceux figés sur les papiers peints, explose magnifiquement dans une vidéo placée idéalement au bout d’un couloir.
Cockaigne, vidéo de Gerda Steiner et Jorg Lenzlinger, donne aussi vie à des motifs incontournables des chambres enfantines, poules et fleurs. Le duo a par ailleurs ramené d’un séjour en Russie un objet inquiétant qu’Esther Maria Jungo a simplement posé sur un lit du château. Une paire de chaussons pour garçonnet, crochetés en forme de chars d’assaut.