A Am Stram Gram, un spectacle haletant raconte les biais cognitifs aux enfants
Scènes
AbonnéA Genève, avant Fribourg, Yverdon et Vevey, Steven Matthews et ses sept mercenaires livrent une fable magique pour montrer aux plus jeunes la complexité de la réalité

Vous voulez que votre enfant sache tout des biais de confirmation, des illusions de connaissance et de la pensée binaire? Rendez-vous sans tarder au Théâtre Am Stram Gram, à Genève, pour voir Biais aller-retour, de la très remuante compagnie Don’t Stop Me Now. Ce spectacle, qui sera ensuite sur la scène fribourgeoise de Nuithonie, puis au Théâtre Benno Besson d’Yverdon et au Théâtre du Reflet à Vevey, raconte avec une formidable ingéniosité la complexité de la réalité.
Comment? Avec des gants blancs sur fond noir. De manière virtuose, les sept interprètes disparaissent dans l’obscurité et seuls leurs bras et mains immaculés composent dans l’espace le bal mental de Mathieu, un jeune garçon qui aimerait trouver un trésor au pied de l’arc-en-ciel pour payer l’EMS de sa grand-mère…
Curiosité exigée!
Steven Matthews n’a pas aimé l’école, mais sa vivacité d’esprit n’est plus à prouver. Depuis son premier spectacle, La Princesse eSt le chevalier, où le théâtre d’ombres à l’ancienne disait l’importance de la curiosité pour bien grandir, le metteur en scène genevois a démontré sa maîtrise de la marionnette et des images en mouvement.
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La preuve également dans sa deuxième production, Tu comprendras quand tu seras grand, qui, pour questionner le rôle de l’école, reposait sur un système d’images produites par un rétroprojecteur et coloriées à vue. Ou comment imaginer une forme en parfaite adéquation avec le fond. Ce second spectacle est d’ailleurs à voir à Lausanne et à Fribourg en mars.
Un diable et des gants blancs
Ici aussi, dans Biais aller-retour, la trouvaille des gants blancs sur fond noir restitue parfaitement la ronde endiablée des pensées quand tout s’emmêle dans la tête. A propos de diable, il se pourrait bien qu’un Lucifer jaillisse des entrailles de la terre ou plutôt d’une tombe d’un cimetière…
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C’est que Mathieu veut absolument trouver le trésor qui, dit la légende, se loge au pied de l’arc-en-ciel, pour financer le home où doit se rendre sa grand-mère. Alors, de nuit, il emmène mami qui perd la tête – très belle image où on les voit en ombres chinoises gambader sous la lune – et se rend près d’une chapelle, seuil, croit-il, de l’arc-en-ciel. Mais c’est un biais de vision, bien sûr. Et la fable permet à Steven Matthews et à ses fidèles compagnons de création et de jeu (Maud Faucherre, Mathieu Fernandez-Villacanas, Lorin Kopp, Verena Lopes, Jérôme Sire, Mathilde Soutter et Mirko Verdesca) de recenser la ribambelle des déformations ou déviations de l'esprit issues d’une idée préconçue.
Public fasciné
Dit comme ça, le spectacle semble thésard. C’est tout le contraire. Les sept comédiens, de vrais mercenaires, agiles, excellents et tous issus de l’Ecole de théâtre de Serge Martin, racontent le parcours de Mathieu tambour battant. Ils se glissent dans les rôles des parents, des juge et avocat d’une cour d’assises, de moines hilarants qui chantent a capella et, bien sûr, deviennent les artificiers de l’illusion clé du spectacle.
Ce moment, où au moyen de gants blancs éclairés aux ultraviolets, les marionnettistes représentent les pensées emmêlées du jeune garçon. Ça frétille, ça serpente, ça danse dans tous les sens et ça compose même un visage, sorte de gourou qui dit le vrai. L’effet est magique, bluffant, et le public, fasciné, applaudit allègrement.
Biais aller-retour, Théâtre Am Stram Gram, Genève, jusqu’au 22 janvier. Equilibre-Nuithonie, Fribourg, les 28 et 29 janvier. Théâtre Benno Besson, Yverdon, le 8 février. Théâtre Le Reflet, Vevey, le 5 mars.