Amours virtuelles, plaisir réel
Scènes
A Carouge, un spectacle savoureux raconte le danger de la technologie dans les jeux amoureux

On le répète sans cesse, Guy Foissy a choisi d’en faire une pièce. Alors qu’elle est censée nous rapprocher en facilitant les connexions, la technologie rate souvent sa cible en empêchant les vraies relations. C’est le cas dans Oldamir Alsmatoff, un duo malin et généreux à voir au Théâtre des Amis, à Genève, jusqu’au 3 février. La situation? Un dénommé Louis la Poisse multiplie les rendez-vous dans l’espoir de trouver la femme de sa vie et passe à côté de celle qui apparaît dans la réalité. Dans un texte qui rappelle Roland Dubillard pour son côté allumé, Charlotte Filou et Antoine Courvoisier composent un couple parfait sous la direction de Françoise Courvoisier.
«Vous l’aurez voulu, vous l’aurez voulu! C’est vous qui l’aurez voulu! Parce que moi. Moi! Moi, je n’ai besoin de personne! Je n’ai besoin de parler à personne moi! J’ai un rendez-vous moi! J’ai rendez-vous avec une femme moi. Une femme-femme, vous voyez ce que je veux dire. J’ai rendez-vous avec la femme que j’aime. La femme-femme que j’aime-j’aime et avec qui j’ai rendez-vous. Elle va arriver. Elle va arriver parce que je l’aime et qu’en plus nous avons rendez-vous.»
Langue musicale
Antoine Courvoisier n’est pas seulement acteur, il est aussi musicien et chanteur. Il faut ces qualités pour interpréter une partition aussi rythmée que celle écrite par Guy Foissy. L’extrait ci-dessus témoigne de la langue cadencée de l’auteur français et le jeune comédien romand, formé chez Serge Martin, trouve parfaitement le ton agité de son personnage.
Femme fatale
En face de lui, Charlotte Filou joue sur plusieurs registres. Elle est «Elle», la femme en chair et en os qui apparaît à chaque rendez-vous au pied de la statue équestre d’Oldamir Alsmatoff et se moque de ce rêveur récidiviste qui, chaque fois, croit que la «Suédoise de 1 m 85» va arriver. Dans une première séquence, elle a le ton rentre-dedans et l’accoutrement d’une gamine insolente. Elle revient en fille fleur, dans une robe rouge à pois blancs, et sa voix se fait plus grave, plus tentante. Au final, elle apparaît en femme fatale, robe noire et boa, et signe la fin de ce jeu dangereux. C’est qu’il se pourrait bien que les faux rendez-vous soient de vrais défis imaginés par les amoureux…
Le spectacle vaut pour la réflexion sur le danger des amours virtuelles. Il vaut surtout pour le duo savoureux que composent les deux comédiens, habiles à visiter la gamme des sentiments et des stratégies de séduction.
Oldamir Alsmatoff, jusqu’au 3 février, Théâtre des Amis, Carouge, Genève.