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La secrétaire générale du Syndicat suisse romand du spectacle réagit au plan genevois de lutte contre le harcèlement sexuel. Elle souligne que les conditions de travail favorisent les violences psychologiques et sexuelles

«Nous avons la volonté de tout faire pour qu’une affaire comme celle de la compagnie Alias ne se reproduise plus jamais», martelait jeudi Sami Kanaan, ministre municipal de la Culture à Genève. Anne Papilloud ne peut qu’applaudir ce cap et le plan d’action genevois pour prévenir le harcèlement sexuel dans les milieux de la scène. Mais si la secrétaire générale du Syndicat suisse romand du spectacle se félicite de la qualité du rapport du 2e Observatoire et du cadre qui en résulte, elle insiste sur la nécessité d’un suivi au long cours. Car il faudra du temps pour que les soutiers de la nuit se sentent réellement protégés.
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Le Temps: Ce plan d’action genevois vous semble-t-il exemplaire?
Anne Papilloud: Il est un jalon essentiel comme l’était aussi le dispositif mis sur pied par la ville de Lausanne au mois de juin 2021 à la suite de l’affaire du Béjart Ballet Lausanne et à la maltraitance psychologique subie par des danseurs et danseuses de la troupe. Depuis, le milieu a pris des initiatives pour lutter contre les atteintes à la personnalité et les violences, sexuelles notamment. Le projet Safe Spaces Culture permet désormais aux employeurs de recourir à une personne de confiance externe. Le plan genevois synthétise toutes ces initiatives et affirme des principes clairs. Il conditionne ainsi l’octroi d’une subvention au respect des règles visant à protéger l’intégrité des employés.
Constatez-vous une évolution dans le comportement des directrices et directeurs de structures depuis l’automne 2021 et l’éclatement du scandale de la compagnie Alias
Heureusement, les cas d’abus ne sont pas la norme! S’il y a évolution, elle est sensible chez les personnes qui travaillent sous leurs ordres. Elles nous alertent sur des sujets pour lesquels elles ne nous auraient pas sollicités avant. La façon agressive de parler, par exemple, de certains chorégraphes ou metteurs en scène. La dureté d’horaires à rallonge et flexibles à merci. Il y a une prise de conscience que ces pratiques ne sont pas tolérables.
Le rapport du 2e Observatoire met en évidence les conditions particulières du travail artistique, une façon de le romantiser qui peut justifier ensuite des abus…
Oui. L’épuisement des corps, la valeur attribuée à dépasser ses limites favorisent une culture de l’abus. Il faut sortir de ce type de discours et de pratique. Ce n’est plus acceptable.
Comment informer les jeunes interprètes de leurs droits?
C’est l’enjeu de tout le processus. Il est essentiel qu’il y ait des modules d’information dans les écoles d’art. J’interviens pour ma part à la Haute Ecole des arts de la scène à Lausanne. Mais cette sensibilisation ne suffira pas. Ce qui pèse, c’est l’extrême précarité dans laquelle évoluent les professionnels de la scène. Il est très difficile de dire non dans un milieu où il y a une telle concurrence. Il faut agir sur les grilles salariales, sur les rémunérations. La bataille contre le harcèlement ne se gagnera pas si on ne revalorise pas les salaires et si on ne change pas le statut des artistes.