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La Belle Hélène au Grand Hysteric Circus

L’opéra-bouffe d’Offenbach est servi à Genève dans l’entassement visuel et l’économie musicale. Égarement (avec vidéo)

Un Oreste déguisé en Conchita Wurst, des tenues érotisées à la Jean-Paul Gaultier: la décadence du pays se reflète dans le relâchement des mœurs. — © GTG / Carole Parodi
Un Oreste déguisé en Conchita Wurst, des tenues érotisées à la Jean-Paul Gaultier: la décadence du pays se reflète dans le relâchement des mœurs. — © GTG / Carole Parodi

Frénésie, légèreté, esprit et parodie sont les points cardinaux du style d’Offenbach. Certains metteurs en scène reprennent la balle au bond dans la loufoquerie, le décalage, la poésie et l’onirisme. Jerôme Savary ou Laurent Pelly ont imprimé leur marque avec bonheur dans ce style. À Genève, le metteur en scène Robert Sandoz, qui y réalisa Les aventures du Roi Pausole en décembre 2012, est actuellement aux commandes de La Belle Hélène.

La nouvelle production s’appuie sans gêne sur l’insolence, la licence et la cocasserie. Mais avec une telle accumulation d’intentions, d’accessoires, d’agitation et de références, que la folie prend un tour de délire. Où la partition s’égare. Pourtant les bonnes idées ne manquent pas. Plus resserrées, elles offriraient un terrain de jeu idéal. Elles se perdent malheureusement dans un dédale trop désorganisé.

Le port du Pirée. Un étal de boucher s’ouvre dans le mur de containers entassés. Calchas y décapite des poules à tour de hache. Sacrifices pitoyables sur fond de pays en déroute. Tout y passera, des dettes actuelles de la Grèce à la dictature des Colonels d’antan, tontons macoutes et autre régimes totalitaires et corrompus.

La décadence du pays se reflétant dans le relâchement des mœurs, on a droit à un Oreste déguisé en Conchita Wurst, des tenues érotisées à la Jean-Paul Gaultier, la porte entrebâillée d’un bordel rouge fumant de stupre, un envahissement de ballons noir-pétrole, ou un Menélas-armateur infantile jouant avec sa maquette de voilier. Au rang des réussites, la nuit, les étoiles, les ombres de grues ou projection géante de Vénus, le salon-conteneur monté sur vérins ou l’envol de Pâris dans les airs.

Au milieu de ce «Grand Hysteric Circus», Hélène. Que vient faire Véronique Gens dans cet embrouillamini à la fois pesant et excité? Une expérience, comme elle aime les tenter. Un défi. Au début de la représentation, on se dit qu’elle aura du mal à sortir de sa retenue naturelle, de cette grandeur tragique qu’elle incarne depuis tant d’années. L’intelligence et l’élégance faisant des miracles, la soprano remet l’ouvrage sur la voie de l’humour. Manquent encore une certaine souplesse et une grâce naturelle. Mais au fil du spectacle, son Hélène lyrique se fait piquante et décomplexée.

Dans la fosse relevée à hauteur de scène, c’est la vivacité et l’originalité qui se déclinent. L’arrangement très «variété» de Gérard Daguerre, rompu à la pratique du Music-hall depuis sa jeunesse, n’est pas sans charmes. Piano jazzy, rythmes latinos, maracas, batterie ou clins d’œil au cabaret et aux revues s’intègrent plutôt bien à la partition d’Offenbach. L’arrangement pour une vingtaine de musiciens fonctionne habilement. Et c’est dans l’entrain et la précision que l’OCG répond au chef de choeur du Grand Théâtre. Alan Woodbridge a en effet repris la baguette des mains de l’arrangeur, qui se sentait plus à son aise au clavier, dans l’orchestre, que devant le plateau…

Reste une distribution honorable où Raul Gimenez compose un Ménélas en verve, Florian Cafiero un Pâris un rien tendu et Patrick Rocca un Calchas truculent. Marc Barrard (Agamemnon), Bruce Rankin (Achille) Fabrice Farina (Ajax 1er), Erlend Tvinnereim (Ajax II), Magali Duceau (Bacchis), Seraina Perrenoud (Parthénis), Fabienne Skarpetowski (Léaena) et Thomas Matalou (Philocôme) complètent le plateau où la jeune mezzo Maria Fiselier brille en Oreste transgenre, aussi convaincante chanteuse que danseuse.

Grand Théâtre les 16, 20, 21, 23, 24 octobre à 19h30, 18 et 25 octobre à 15h. Rens: 022 322 50 50, www.geneveopera.ch