Une banque de gestes qui peut rapporter gros. Un capital inestimable même. Les Journées de danse contemporaine suisse réunissent jusqu’à samedi à Genève quelque dix-huit chorégraphes, parmi les plus affûtés du pays. Leurs pièces ont été sélectionnées dans un panier de 140 spectacles par un jury composé de cinq personnalités, dont Claude Ratzé, directeur de l’Association pour la danse contemporaine à Genève et La Ribot, artiste d’origine espagnole toujours singulière. L’occasion est belle pour le curieux de se frotter à des corps électrisants, mais aussi à des visions du monde souvent renversantes. 

Que faut-il voir? Elementen III d’abord, la nouvelle création de Cindy Van Acker, avec le Ballet du Grand Théâtre - ce mercredi soir en ouverture de ces Journées. D’un côté, une artiste qui reformule les lois du mouvement, de l’autre une compagnie virtuose. Dans une veine excentrique, il ne faudra pas manquer les nouvelles Pièces distinguées de La Ribot - au Théâtre du Grütli. Sur le fil des sujets qui troublent,  la jeune Tabea Martin propose à un public d’ados Pink for Girls and Blue for Boys - au Point Favre à Chêne-Bourg. Ceux qui ont aimé Pina, le film en 3D de Wim Wenders sur Pina Bausch, se laisseront aspirer par Womb –«utérus» en anglais cette fugue psychédélique conçue par Gilles Jobin, avec un décor de la plasticienne Sylvie Fleury et une musique de Franz Treichler - au Ciné 17.

«Un Graal pour les artistes sélectionnés»

Mais ces Journées ne constituent pas seulement un best of. Elles ont une autre fonction, économique. «Leur objectif est de promouvoir cette création auprès de programmateurs nationaux et internationaux», explique Boris Brüderlin, nouveau directeur de Reso - Réseau danse suisse, qui organise ce rendez-vous. Quelque 325  directeurs de théâtre et curateurs sont ainsi attendus, invités grâce au soutien de Pro Helvetia. Certains viennent de loin, de Corée du Sud, de Singapour, d’Inde ou du Canada, d’autres de France et d’Allemagne. «Pour les artistes sélectionnés, cette plateforme est un Graal, elle peut ouvrir des débouchés», complète Claude Ratzé, même si il est difficile d’en mesurer les retombées.

Genève, capitale suisse de la danse

Quelles tendances révèle cette sélection? D’abord une extraordinaire diversité, souligne Claude Ratzé. Rien de commun, par exemple, entre Je danse parce que je me méfie des mots,  confidence théâtrale étourdissante offerte par l’ardente Kaori Ito, et Inaudible, suite de pas fougueux et lyriques conçus par Thomas Hauert. Ensuite, une dominante nette de la Suisse romande: sur dix-huit spectacles, onze sont francophones. «Le soutien à la danse contemporaine est plus fort en Suisse romande qu’en Suisse alémanique, explique Claude Ratzé. Avec l’appui de Pro Helvetia, Genève a par exemple fidélisé un certain nombre de compagnies.»

Archive: en 2006, Un pas décisif pour la danse en Suisse

Dans les foyers des douze théâtres associés à l'événement, les semelles des spectateurs seront éoliennes et ferventes. Insérées dans la programmation du festival Antigel, ces Journées devraient appâter les foules et des journalistes de partout. Un peu à l'écart, dans des studios, des chorégraphes lèveront le voile sur le prototype d’une prochaine pièce. Des curateurs et producteurs potentiels soupèseront l'intelligence du geste. On appelle ça des salons d’artistes. Jusqu’à samedi, Genève confirmera qu’elle est bien la place forte helvétique du mouvement. C'est un sacré capital. 


Journées de danse contemporaine suisse, jusqu'au 4 février.