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A Genève, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe…

Dans «Dukudukuduku», trois jeunes comédiens parlent plaisir de la chair sous la direction experte de la bien nommée Charlotte Filou. Croustillant

De gauche à droite, Antoine Courvoisier, Angelo Dell’Aquila et Cléa Eden, parfaits dans leur tenue et leur rôle de conférencier. — © Adriano Parata
De gauche à droite, Antoine Courvoisier, Angelo Dell’Aquila et Cléa Eden, parfaits dans leur tenue et leur rôle de conférencier. — © Adriano Parata

Le moins de mots, le plus d’effet. C’est la conclusion, paradoxale, deDukudukuduku, joyeux spectacle-conférence sur la sexualité qui fustige la pression née de l’abondance d’analyses sur le sujet, tout en y ajoutant son flot de commentaires détaillés! Mais rien de plombant dans cette proposition de la compagnie MOKETT, à découvrir à Genève, dans la petite salle du Saltimbanque, rebaptisée Centre culturel des Grottes. La mise en scène signée Charlotte Filou est enlevée et permet de connaître plus avant les plaisirs de la chair et de nouveaux talents. On est déjà familier avec Antoine Courvoisier, acteur de caractère qui trace son joli chemin. On découvre mieux Angelo Dell’Aquila, vu dans Rock Trading de Marielle Pinsard, et Cléa Eden, très appréciée dans Contractions, mis en scène par Elidan Arzoni. Ces trois diplômés de L’Ecole Serge Martin, qui savent tout faire (chant, jeu, mouvements), s’illustrent de belle manière sur ce thème croustillant.

Heureusement qu’il pourrait lire le bottin de téléphone et être encore passionnant. Antoine Courvoisier ne commence pas la soirée avec le morceau le plus léger: observant qu’après la fin du religieux, du politique et bientôt, de l’argent, la seule chose qui reste à notre société est le culte du bien-être, le conférencier se réjouit de voir que la sexualité occupe une large place sur les rayons wellness des librairies. Auparavant, le jeune comédien s’est interrogé sur cette dichotomie très franco-française entre le spirituel et le cérébral. «Croire nous empêcherait-il de penser?» se demande celui qui a été baptisé. Dans la foulée, il pointe avec Denis Guénoun le fait que le marxisme et sa foi flamboyante dans la justice sociale convoquent aussi une forme de spiritualité…

Tout savoir et tout dire

On le voit, Charlotte Filou a le sexe moins filou qu’érudit (il fallait la faire celle-là) et, à l’écriture avec la joyeuse équipe, entend bien placer le curseur à une certaine hauteur. Mon voisin de gauche soupire à ces considérations élevées, mais se mobilise plus spontanément lorsque Cléa Eden, blondeur élancée, raconte tout ce qu’elle a fait pour devenir l’Amante parfaite. Tutos, pornos, sodo, la jeune femme, qui a cumulé diktats et infos, vit moyennement ce devoir de «tout savoir et tout exprimer pour être performante et/ou exaucée». Sur le bord de la fenêtre, le regard dans le lointain, elle se souvient avec tendresse de sa première fois, «ce truc nul-génial» qui, aujourd’hui, la frappe par sa simplicité.

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C’est que le sujet est chargé. Et depuis le début de l’humanité. Enchaînant avec les cosmogonies, grecque, égyptienne et chrétienne, Angelo Dell’Aquila montre comment, dès l’origine, le fruit est défendu et le plaisir, condamné. A ses côtés, ses deux compagnons incarnent tour à tour Ouranos et Gaïa ou Adam et Eve et leur pantomime super-explicite dégonfle la baudruche de la culpabilité. Le public rit, comme il pouffe aussi lorsque Angelo raconte l’achat de ses premières capotes à 16 ans, un âge où il croyait posséder la BDE, pour Big dick Energy…

Vidéos et fantasmes

La soirée – un peu trop longue, mais il faisait très chaud, samedi soir – se déroule ainsi entre récits, propos érudits, statistiques plus ou moins sérieuses et expériences plus ou moins foireuses menées dans les toilettes de la salle transformées en Experiment Box avec orgasmes promis à la clé. Peut-être que la scène des vidéos inspirées de YouTube est de trop? En tout cas, elle ne rencontre pas le même succès que les parties de stand-up. Les fantasmes aussi, pourtant recueillis dans le public au moyen d’un bulletin secret, n’ont pas le même relief que les moments joués et parlés. Mais le tout est joyeux, partageur, adressé à chacun(e), les yeux dans les yeux. On rougit? Un peu et c’est tant mieux.

Dukudukuduku , jusqu’au 4 juin, Centre culturel des Grottes, Genève, 076 525 9692