Qu’a voulu raconter Camille Giacobino en montant Roméo et Juliette? C’est ainsi, lorsqu’on s’attaque à un tube du théâtre, il faut avoir quelque chose de particulier à en dire. Sinon, le spectacle s’enlise et, au Théâtre du Grütli, même la fraîcheur des deux comédiens principaux ne parvient pas à rompre le fatal ennui. Après un début dynamique et sensuel où la metteuse en scène joue sur l’ambiguïté sexuelle des inimitiés viriles – du déjà-vu, mais bien réalisé –, le rythme tombe et, à l’exception de l’excellente Léa Pohlhammer en nourrice culottée, le récit de cet amour à mort et la langue de Shakespeare ne suffisent pas à faire pulser la soirée.

Une piscine et un échafaudage

A jardin, une piscine avec son fond bleu et son plongeoir à ras le bassin. A cour, un imposant échafaudage avec ses tubulaires et ses niveaux métallisés. Le scénographe Yann Joly a imaginé un décor sobre, racé, qui évoque autant l’aisance financière que le spleen et donne aux interprètes de bons supports de jeu. C’est que le fond de la piscine mène à la coulisse et, bien souvent, les personnages en sortent comme par enchantement. De son côté, l’échafaudage fait tout à la fois balcon, lit et allées où se promener, et permet aux tourtereaux d’exprimer la hauteur de leur passion.

Le dépouillement est bien pensé – il laisse la place au texte et à l’interprétation. Les lumières, par contre, sont un peu moins réussies. Etonnant, lorsqu’on voit qu’elles sont signées Jean-Philippe Roy. Comme si la pénombre était plus subie que choisie et que ces deux blocs de scénographie étaient difficiles à éclairer…

Manque d’intensité

Mais le problème n’est pas là. Il se situe dans le manque d’intensité et de vivacité de la proposition. C’est troublant, car Camille Giacobino avait troussé en 2015 un magnifique Comme il vous plaira, du même Shakespeare, une féerie d’été où la folie d’aimer vibrait sans discontinuer. A y repenser, cette mise en scène ne stupéfiait pas non plus par son originalité, mais le spectacle était innervé, insolent, débordant de vie et d’envie.

Ici, Zoé Schellenberg et Raphaël Vachoux sont bien seuls pour chanter leur amour qui, c’est vrai, haines familiales obligent, ne peut se consommer que loin de l’assemblée. Elle est peut-être là l’explication de cette morosité: Camille Giacobino réussit mieux ses embardées collectives que ses duos amoureux. Reste le texte de Shakespeare, qu’on entend bien. Pas de manière magique, mais on comprend tous les mots ou presque. Sinon, le souffle manque et quand le feu est ainsi éteint, même Shakespeare fait soupirer.


Roméo et Juliette, jusqu’au 17 juin, Théâtre du Grütli, Genève.