Une fête alors que les consignes de sécurité incitent à la prudence? Margarita Gingins et Imanol Atorrasagasti, codirecteurs de la manifestation, sont conscients du paradoxe. Ils ont d’ailleurs beaucoup hésité avant de confirmer la huitième édition de ce rendez-vous qui promeut le théâtre dans la cité. «Finalement, on a trouvé pertinent de résister et d’aller contre la frilosité», explique le duo, attablé à une terrasse de café. «Plus que jamais, les gens ont besoin de sortir et de se retrouver. Le théâtre, avec son intelligence joyeuse et joueuse, peut remplir ce rôle de levier de sensations et de pensée.»

De ce vendredi à dimanche, 16 scènes genevoises offrent des billets gratuits pour assister à leurs représentations et, en parallèle, des ateliers, des rencontres, des performances hors les murs et des conférences (en plein air et en marchant, covid oblige!) amènent un supplément de vie et de questionnement à la chose théâtrale. Parce qu’il faut tracer, toutes les activités de la Fête du théâtre nécessitent une inscription.

Lire l’avenir

Au menu des rendez-vous atypiques, les organisateurs citent La Clairvoyance, une rencontre imaginée par Yvette Borel, samedi, à 11h, au Théâtre Saint-Gervais. Après un exposé présentant sa technique de prédiction, la voyante propose, dès 14h, de tirer les cartes aux gens du théâtre et au public durant quinze minutes de rendez-vous personnalisé. «Retrouver la confiance dans un avenir qui chante est primordial», sourit Imanol Atorrasagasti.

La Fête du théatre en 2016: Jaja, tout sur le théâtre, le désir et la précarité

Le programmateur est aussi très sensible à l’atelier intitulé Observation, imagination, création. A 10h30, samedi, la comédienne et musicienne Sylvie Zahnd invite les participants à observer la ville depuis le dernier étage du Théâtre Saint-Gervais et à écrire librement à partir de ce pointage. «J’aime cette démarche, car elle résonne avec le confinement durant lequel les gens ont beaucoup regardé la vie à travers leurs fenêtres ou sur leur balcon. Notre espace géographique diminue? Il est temps d’approfondir la qualité du regard qu’on porte sur lui, de l’investir différemment», suggère le codirecteur.

La ville en fauteuil roulant

De son côté, Margarita Gingins s’emballe pour un projet plus remuant. Un parcours en fauteuil roulant destiné à faire l’expérience du handicap en milieu urbain. Les 25 courageux qui participeront à cette Mission Roosevelt, organisée par la compagnie Tony Clifton Circus, à 10h et à 15h, samedi, auront des tâches à accomplir – aller acheter une boisson dans un supermarché, faire un match, se mesurer à travers une course, etc. –, de sorte à réaliser à quel point la ville n’est pas «fauteuil friendly».

«Je ne suis pas sportive et je redoutais le challenge», témoigne la co-directrice qui a tenté l’expérience à Lyon. «En réalité, le moment est très joueur, pas du tout moralisateur et les interventions des comédiens amènent la part théâtrale de l’aventure.» Toute cette semaine, des élèves du canton ont relevé ce défi, frappant les organisateurs par «leur naturel et leur facilité à négocier les obstacles de la chaussée».

Les marionnettes en vitrines

A l’enseigne des événements hors les murs, on peut aussi découvrir ou redécouvrir, samedi, le parcours des vitrines consacrées au Théâtre des marionnettes de Genève, qui a fêté ses 90 ans l’an dernier. La visite des quatre vitrines commence à 13h à l’Institut Jaques-Dalcroze et dure deux heures, car chaque étape est documentée et accompagnée d’un happening théâtral, marionnettique ou musical. Mais il n’est pas obligatoire de faire l’ensemble du parcours, précise le programme.

Vous cherchez des nourritures spirituelles? La manifestation propose six conférences en plein air et en marchant. Il y sera notamment question de la pédagogie des opprimés, des femmes étoiles d’un peuple indigène argentin ou de l’amour du passé animant l’auteur et metteur en scène Dominique Ziegler. Nombre de ces conférences sont déjà complètes, les Genevois aiment l’érudition.

La force de l’impro

«Ah oui, je veux encore relever un rendez-vous qui me tient à cœur», glisse Margarita à l’heure du dessert. «Le festival d’improvisation qui va se tenir tout le dimanche au Douze dix-huit, la scène du Grand-Saconnex. Je trouve dommage que cette discipline soit toujours le parent pauvre du théâtre alors qu’elle demande une immense technique et qu’elle bénéficie d’un public fidèle et fervent.» Les ateliers pour adultes, pour enfants et les spectacles déjà presque complets confirment cet engouement.


La Fête du théâtre, du 9 au 11 octobre, Genève.