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Verena Lopes. A 35 ans, cette comédienne et danseuse n’est pas une inconnue. Formée à la danse dans les cours de la compagnie genevoise 100% Acrylique Junior, elle a très vite brillé dans les créations d’Evelyne Castellino, comme Europeana en 2011 ou le récent et remarquableUn discours! Un discours! Un discours!qui est d’ailleurs repris en mars à La Parfumerie. On l’a aussi vue dans Port d’attache, une série de la RTS en 2015. Ou encore dans L’Odyssée d’Homère, revisitée par la compagnie Les ArTpenteurs.
Cette diplômée de l’Ecole de théâtre Serge Martin a toujours séduit par sa vigueur et la précision de son jeu. Désormais, on peut ajouter à son actif une puissante présence scénique et une vraie maîtrise technique qui lui permettent de tenir en haleine un public durant une heure et demie.
Mère en situation
Pourtant la partition de Dennis Kelly n’est pas simple. Dans Girls and Boys, l’auteur anglais alterne le récit palpitant de la rencontre amoureuse ou de l’ascension professionnelle de la narratrice avec, en rupture, des scènes de jeu direct où l’on voit cette mère arbitrer les conflits entre ses deux enfants.
Ce principe est assez audacieux, car les passages avec les enfants durent longtemps et se répètent souvent. Leur intérêt? Montrer dans leur quotidien ces petits dont le destin est brutalement interrompu à la fin du récit. Le spectateur soupire un peu, s’attache beaucoup et reçoit en pleine figure la claque ultime.
Sa force est à l’intérieur
Une claque d’autant plus violente que Verena Lopes restitue les faits fatals avec une grande sobriété. Si elle est volontiers clownesque quand elle joue les deux mannequins de la file d’attente ou sa future boss, très smart et impressionnante, ou encore lors des scènes domestiques, la comédienne parvient à gommer presque toute expression du visage lors du récit sanglant, à l’exception de ses sourcils, marqueurs importants qui palpitent sous l’effet de la douleur. Sa force est à l’intérieur, sa diction limpide, et jamais aucun pathos ne vient parasiter son jeu dans cet instant poignant.
Cette maîtrise scotche l’assemblée. Après les saluts, les visages sont pâles, les sourires embués. Pour la femme blessée que la comédienne interprète, la société n’a qu’un seul objectif, contenir les mâles et leur folie meurtrière. Parfois, malheureusement, la société faillit. Avec Verena Lopes, on ressent les conséquences de cette défaillance jusque dans nos os.
Girls and Boys, jusqu’au 20 février, La Parfumerie, Genève.