Les spectacles d’ouverture de saison ont une fonction: ils donnent le ton, dessinent l’horizon, suggèrent la hauteur de la programmation. A l’affiche de la Comédie de Genève, Théâtre à la campagne paraissait pouvoir jouer ce rôle. La pièce ne retrace-t-elle pas l’aventure intellectuelle et artistique d’un groupe d’apprentis comédiens fédérés autour du grand Jacques Copeau (1879-1949), cofondateur de la Nouvelle Revue française en 1909, compagnon des théoriciens de la scène les plus novateurs de son temps? Et les jeunes acteurs de la Compagnie du Hasard Objectif ne promettaient-ils pas d’insuffler leur appétit et leur urgence dans cette évocation de Copeau? Alors? Les germes étaient bien là, mais la floraison n’a pas lieu, au Théâtre du Galpon (la Comédie est en travaux), belle adresse de campagne, justement, au bord de l’Arve.

Si Théâtre à la campagne déçoit, c’est en grande partie parce que le texte du Français David Lescot n’est pas à la hauteur du sujet. En préambule, dans une nuit de bohémiens – manière Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier – l’acteur Thibault Perrenoud formule le diagnostic de Jacques Copeau, le patron: «Le théâtre est comme un enfant mort. […] Et vous allez le ranimer.» Il le dit à nous, spectateurs, et à quatre disciples. Mais voici que ce quatuor se jette, en affamé, sur la scène. Cette jeunesse veut inventer sa voie théâtrale, loin des compromissions de la ville, de l’escroquerie de la routine. La «campagne» du titre, c’est la possibilité d’un nouvel art, celui auquel Copeau aspire dans les années 1920.

L’ambition de David Lescot est de tresser l’histoire d’une pensée et celle d’un groupe – les Copiaus. Mais il ne cesse de balancer, en pagayeur débordé, entre l’anecdote convenue, la chanson de cabaret et le b.a.-ba de la théorie. Le connaisseur n’apprend rien. Et le profane a de fortes chances de trouver l’étalage oiseux. Qu’on est loin ici de l’art d’un Olivier Py dans L’Epître aux jeunes acteurs (monté naguère avec succès par Hervé Loichemol, aujourd’hui directeur de la Comédie); ou plus encore de celui de Brigitte Jaques qui en 1986 signait un mémorable Elvire Jouvet, où la parole de Louis Jouvet remontait en leçon de vie et de théâtre.

Les acteurs en sont réduits aux expédients. Ils jouent à l’énergie et donnent l’impression de contrefaire la candeur ou l’enthousiasme. Jacques Copeau mérite mieux que cet hommage de morne plaine.

Théâtre à la campagne, Genève, Théâtre du Galpon, rue des Péniches 2, jusqu’au 14 octobre; puis Manège d’Onex, ma 16 et me 17; Ferney-Voltaire, Théâtre Le Châtelard, ve 19 et sa 20. Loc. 022 320 50 01.