La Fête des Vignerons s’est terminée à Vevey le 11 août. Et le 11 septembre commençaient à Genève les représentations d’Einstein on the Beach. Tout oppose ces deux spectacles extraordinaires.

La célébration des travaux de la terre perpétue une tradition qui remonte à la nuit des temps. Emanation du génie régional, elle convoque des acteurs non professionnels. Elle a lieu dans une arène en plein air, assez vaste pour satisfaire au gigantisme de l’événement: 900 choristes, 240 instrumentistes, 6000 figurants, des chèvres, des vaches et des chevaux.

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L’évocation balnéaire du physicien chevelu est une œuvre avant-gardiste américaine créée en 1976. Donné au Grand Théâtre, une des plus vénérables institutions culturelles de Suisse romande, ce manifeste du minimalisme est interprété par les 13 artistes, clowns et acrobates de la Compagnia Finzi Pasca, accompagnés par 22 choristes, neuf musiciens et un cheval blanc.

Mouvement ascendant irrésistible

Entraîné par des valses étourdissantes ou structuré en boucles musicales hypnotiques, ces deux spectacles de Daniele Finzi Pasca se ressemblent pourtant: ils sont portés par un mouvement ascendant irrésistible. Le metteur en scène luganais doit être incapable de jouer à Pigeon vole car, pour lui, tout vole. Eole et Zéphyr sont les dieux tutélaires de ce créateur aspirant à la légèreté puisque ni l’âme ni la joie n’ont de poids.

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Le Fête des Vignerons commence par une libellule humaine qui décolle du zénith, les cheffes de chœur ont des ailes de papillon, passent des nuées d’étourneaux, la petite Julie est emportée dans les airs, le vent soulève les feuilles des vignes, les pages de l’almanach du Messager boiteux et la jupe des Effeuilleuses coquines…

Verticalité

L’aspiration à la verticalité se retrouve sur la plage einsteinienne. Le souffle de l’esprit gonfle un voile rouge, les avions de papier, les volants de badminton, tout s’envole, les bonzes lévitent, la sirène nage dans le ciel et même Einstein passe à vélo bien au-dessus du plancher des vaches, la tête dans les étoiles, «Einstein in the Sky with Diamonds»

Le savant trône au sommet de sa bibliothèque, à 8 mètres du sol, un souffle panique disperse ses papiers aux quatre vents. Les personnages défient les lois de la pesanteur à travers un dispositif amusant traduisant l’horizontalité en verticalité. Et la neige argentée tombée du haut des cieux scintille comme des milliards de particules élémentaires…

Quant au magnifique cheval blanc qui contemple la sirène dans son bocal et donne le tempo à la chanteuse, c’est naturellement Pégase qui aurait provisoirement refermé ses ailes.