Qu’un directeur d’opéra annule une production commandée est une forme de reniement. La marque des capitaines lyriques, après avoir défini un cap, est de s’y tenir et de porter le navire à quai. Il peut y avoir des erreurs de route, des coups de tabac ou des avaries inopinées. Mais conduire un grand bâtiment, c’est avoir une vue précise des enjeux, des risques et du sens donné aux choix. C’est les assumer et les défendre. Le soudain revirement de Tobias Richter laisse l’impression, non seulement d’un flou qui n’a rien d’artistique, mais d’un certain manque de courage. Répondre au désir supposé du public, c’est ne pas être libre. C’est avoir peur de ne pas remplir les salles. Or la création et l’art vivant répondent aussi à d’autres nécessités. Malgré la célébrité de l’ouvrage, le taux de remplissage  de la Flûte enchantée n’était pas bon (65% d’après le directeur). Un changement attirera-t-il plus de spectateurs? A combien s’élèveront les coûts engendrés par cette décision? Comment seront-ils payés? Et quelle image le Grand Théâtre tirera-t-il de ce virement de bord, qui s’inscrit dans le sillage d’autres annonces inopinées (Concert de Gergiev inattendu, Sorcière Hillary sortie du chapeau, annulations ou changements réguliers de distributions…)? Cette navigation à vue laisse perplexe.