Fabrice Gorgerat est un metteur en scène de la matière dont les propositions visuelles et sonores séduisent par leur pertinence et leur intensité. Mais ici, dans Voiture américaine, le metteur en scène vaudois sort de ses marques. Sur une scène du Poche presque dénudée, il dirige huit comédiens sur un mode réaliste et musclé. Pour dire quoi? Que le monde de demain, épuisé, exsangue, sera un enfer pour les humains. C’est la Québécoise Catherine Léger qui peint cette société post-apocalypse et, si son propos patine un peu, il donne à des acteurs qu’on aime de belles occasions de jeu.

Lire aussi: Katrina? L’arrogance a mené à l’ouragan

Les personnages

Jacqueline Ricciardi est madame Grignon, épicière mafieuse, bigoudis dans les cheveux et regard dédaigneux. Baptiste Coustenoble joue Victor, chauffeur flippé et fasciné par «la vieille» dont il conduit les taxis. Céline Bolomey campe Suzanne, terrée chez elle, car terrorisée par cette société sans foi ni loi où toutes les règles ont sauté. Julie Cloux incarne Julie, jeune femme déglinguée qui ne jure que par l’alcool et le karaoké. François Nadin est Bathak, parrain du lieu, amoureux de Garance, mais surtout du chocolat.

Roberto Garieri se glisse dans la peau de Jacot, larbin de Bathak et, plus tard, improbable chevalier de la liberté. Vincent Fontannaz prête ses airs étonnés à Richard, propriétaire d’une voiture, puis d’une femme échangée contre la voiture. Et Céline Nidegger joue Garance, belle fille censée épouser Bathak, mais qui prend la tangente pour traquer le meurtrier de son ex qui la frappait…

Vieille mafieuse épuisée

Tous grillés, tous largués. Et surtout très énervés. Catherine Léger présente une humanité désespérée qui ne peut que boire sa peur ou hurler son ressentiment. Ce n’est pas tout le temps passionnant, car on connaît par cœur cette chanson de la désillusion, mais les acteurs ont et donnent du plaisir à interpréter ces caractères tranchés. Comme Julie Cloux, fascinante en fée rose et fêlée. Ou François Nadin, génial dans son rôle de petit caïd de quartier. Ou encore Vincent Fontannaz et Roberto Garieri, parfaitement illuminés. Sans oublier Jacqueline Ricciardi, hilarante dans sa composition de vieille mafieuse épuisée. On revient sans cesse aux personnages, car c’est eux, plus que l’histoire ou le regard sur la société, qui font le sel de la soirée.


Voiture américaine, jusqu’au 28 janvier, Théâtre Poche, Genève.