Depuis l’affaire Weinstein, le mouvement #MeToo et le vif débat qui a suivi ont rendu aussi évidente que le nez au milieu de la figure une situation qui semblait jusqu’ici étrangement invisible ou, à défaut, parfaitement tolérée: plus le regard s’élève dans la hiérarchie des pouvoirs et des honneurs, moins on voit de femmes. A noter que cette «révélation» n’en fut une que pour certains, car certaines s’étaient de longue date avisées du fait.

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Cette prise de conscience à large échelle, venue des milieux du cinéma, a continué logiquement de s’y déployer. C’est ainsi qu’en mai dernier, le Festival de Cannes nommait Cate Blanchett, actrice réputée féministe, à la tête d’un jury très féminin, Dans la foulée une montée des marches purement féminine était organisée. Il faut dire qu’en 70 ans d’existence, Cannes n’avait accueilli que 82 films de femmes en compétition, soit seulement 5% des films jamais sélectionnés. En 2012, une sélection officielle purement masculine avait d’ailleurs alarmé Coline Serreau, Virginie Despentes et Fanny Cottençon qui avaient lancé, non sans ironie, dans une tribune parue dans Le Monde: «Aux femmes les bobines à coudre, aux hommes celles des frères Lumière!»

Mettre en place plus que des mesures décoratives

Ainsi, en 2018, la Croisette a finalement pris la mesure de ce que les femmes, outre leurs toilettes et leurs coiffures, pouvaient amener au cinéma. Et on peut espérer que cette prise de conscience sera durable, puisque, sous l’impulsion d’un collectif féminin français, le Festival de Cannes a signé une charte en faveur de l’égalité. Ce mouvement français possède un pendant suisse: l’association SWAN. Dès 2015, ayant constaté une disparité en matière de genre dans la distribution des aides au cinéma, des femmes de l’audiovisuel ont créé SWAN et obtenu l’année suivante du Département fédéral de la culture un engagement pour la parité. Et voilà que SWAN est à Locarno où une nouvelle charte est signée.

L’affaire Weinstein a sans doute permis au cinéma de se poser les bonnes questions. Encore faut-il y répondre autrement que par des mesures décoratives. Car c’est tout un système qui doit repenser ses représentations et ses rémunérations, vaincre des timidités et des réticences solidement ancrées. Les chartes de Cannes et de Locarno montrent la voie et posent un enseignement: pour que les «sœurs Lumière» brillent au firmament, il semble bien que les femmes ne sont mieux servies que par nul autre qu’elles-mêmes.