Dans cette veine du malentendu amoureux, Shakespeare est un maître farceur plus habile que tous les algorithmes de Meetic - ce site où volent en nuée les âmes esseulées. Il trouve en Dan Jemmett un disciple indiscipliné, qui coupe dans la matière, la ramène à lui, à son enfance anglaise, entre un père et une mère comédiens, à ses rires les soirs de variétés à la télé, à sa culture du non-sens, ce trait qui brouille les têtes bien faites. Cette lecture à hauteur de souvenirs pourrait souffrir d’égotisme. Elle est au contraire formidablement démocratique.
Rien d’obscur dans ce Shake, où règne l’irrésistible Geoffrey Carey (en alternance avec Marc Prin), fou du roi saturnien, veilleur de songes dans un peignoir mandarine. Il passe des disques sur un pick-up, autant de volutes british, de pop en pot de miel, de chansons à fendre les porcelaines de Buckingam Palace. Quand il ne joue pas les DJ neurasthéniques, il fait des blagues. Sous ses yeux passe Olivia alias Valérie Crouzet (une garde-robe à elle toute seule, cette actrice respire le théâtre) harcelée par le grotesque Malvolio (Antonio Gil Martinez) dans son costume jaune canari. Mais aussi Sir Toby transformé ici en marionnettiste ventriloque (Vincent Berger).
Devant son cabanon, Geoffrey Carey boit le thé dans un mug en Aladin désabusé. Shake est une théière volante.
Shake, Théâtre de Carouge, jusqu'au 15 novembre; rens. 022/343 43 43 et http://tcag.ch ; durée: 2h.