Là-haut, sur la ville, il existe un petit paradis où réfléchir au destin de la planète. Où penser la transhumance des oiseaux, la survie des tigres, les ravages des pesticides, le mal des mers, ces vestiges d’un plaisir passager qui flottent sur la vague. Andrea Novicov ne prend pas seulement la direction du Théâtre de l’Orangerie, la plus charmante scène estivale de Suisse romande, logée au parc La Grange à Genève. Il lui fixe un cap vert ambitieux. Au cœur de sa programmation dévoilée mardi au bistrot «Ou bien encore», dans le quartier des Bains, il a placé la nature.

La nature? Mais quelle nature? Celle qui nous concerne, des ruches aux jardins potagers; celle qu’on réapprend à considérer depuis que le spectre du réchauffement climatique obscurcit nos horizons, depuis que l’abus de consommation fait figure pour beaucoup de faute morale. C’est cette histoire qui n’en finit pas entre l’homme et son environnement que le metteur en scène se propose d’éplucher dès le 3 juillet et jusqu’au 9 septembre, à travers une demi-douzaine de spectacles. Le titre du premier est en soi un symbole: L’usage du monde, soit le récit que Nicolas Bouvier fait de son équipée orientale, superbement adapté par Dorian Rossel.

La griffe de Henning Mankell

Recommandation ici: ne pas hésiter à buissonner au parc La Grange. Tous les biotopes poétiques au programme méritent d’être visités: Tristesse animal noir, texte d’Anja Hilling monté par le collectif romand Sur un malentendu; mais aussi Quitter la Terre, de l’auteur et metteur en scène lausannois Joël Maillard; sans oublier Ténèbres de Henning Mankell, cet auteur de polars qui avait la verve de Voltaire quand il s’agissait de dénoncer nos naufrages moraux. C’est Andrea Novicov lui-même qui montera cette histoire de père et de fille africains réfugiés dans une ville suédoise.

La nouvelle vie de l’Orangerie ne se résumera pas à l’intelligence du soir. «Nous voudrions offrir une expérience globale à nos visiteurs», explique Andrea Novicov. Vous êtes en vacances? L’activité ralentit? Le Théâtre de l’Orangerie vous tend les bras dès 10h du matin – première innovation. Delphine Rouvière, gérante du café «Ou bien encore», et son équipe proposent un brunch avec confiture maison et fruits du verger voisin, ou un panier pique-nique pour la journée. Deuxième innovation: les enfants peuvent profiter d’ateliers «culture et nature», une initiation au jardinage par exemple, et de spectacles «légers et mobiles» à leur intention. Troisième nouveauté: des siestes musicales sont offertes le dimanche, dès 14 heures, dans les jardins du site et sur les pelouses attenantes, avec vue à la Lord Byron sur le lac.

Sur scène, l’odeur de la forêt

«Rendre créatif l’été, c’est à cela que nous aspirons, insiste Andrea Novicov. Nous voudrions que l’Orangerie mobilise l’esprit et tous les sens, l’odorat, le toucher, le goût. Le visiteur devrait rentrer à la maison fort d’une expérience et d’une idée supplémentaires.» Au centre du théâtre occidental, l’acteur règne, explique-t-il encore. Et la nature est une toile de fond. Au parc La Grange, cette hiérarchie devrait être subvertie, dans Le songe d’une nuit d’été par exemple, monté par Joan Mompart, artiste bourlingueur. La forêt enchantée de Shakespeare pourrait littéralement embaumer et distiller sa rosée. Animée par la plasticienne Zoé Cadotsch et le metteur en scène Julien Basler, la troupe genevoise des Fondateurs retournera le béton des villes dans Espaces verts – création à l’affiche du festival La Bâtie en septembre.

L’écrivain aventurier Sylvain Tesson dit que les paysages infusent dans les esprits. Andrea Novicov espère que son Orangerie fera de même. La serre théâtrale, son jardin potager ressuscité, son restaurant ouvert sept jours sur sept, son offre de gazettes et de revues, tous ces atours devraient pousser l’estivant à refaire son monde en mieux, à petite échelle sans doute, dans l’esprit de Demain, le documentaire de Mélanie Laurent et de Cyril Dion. De bonnes infusions nettoient l’esprit.


Renseignements: Théâtre de l’Orangerie