Tiago Rodrigues, le cœur et la raison
Scènes
Pour une semaine et cinq spectacles, l’auteur et metteur en scène portugais prend ses quartiers à Forum Meyrin avec son art de proximité. Il est aussi ces vendredi et samedi au TPR, à La Chaux-de-Fonds. Une chance

By Heart. C’est le spectacle le plus connu de Tiago Rodrigues, coqueluche de la scène européenne avec son art de proximité, et c’est aussi le plus emblématique. Dans By Heart, l’auteur et metteur en scène portugais suit les traces de sa grand-mère en enseignant à dix spectateurs un sonnet de Shakespeare. En parallèle, il évoque des figures qui ont tenu tête à la dictature par la seule mémoire de la littérature.
Se souvenir des beaux mots, c’est décorer sa maison intérieure, dit-il avec simplicité et chaleur. On le croit. Depuis vendredi, celui qui dirige le Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne prend ses quartiers genevois à Forum Meyrin pour une semaine et cinq spectacles. Il est aussi, ces vendredi et samedi, au Théâtre populaire romand à La Chaux-de-Fonds, avec Antoine et Cléopâtre, son poème chorégraphique qui a séduit Avignon. Dans les deux cas, c’est un morceau de choix.
Mémorisation en direct
«Quand je fais comparoir les images passées/au tribunal muet des songes recueillis. Je soupire au défaut des défuntes pensées/pleurant de nouveaux pleurs, les jours trop tôt cueillis.» A la fin de By Heart vous connaîtrez par cœur le sonnet 30 de Shakespeare, car Tiago Rodrigues ne ménage ni son temps, ni ses efforts pour l’apprendre aux dix spectateurs assis sur le plateau.
Vous en saurez plus aussi sur ces héros qui se sont affranchis des bourreaux grâce aux mots. Pasternak et son poème récité en chœur en plein congrès communiste en 1937, Montag, pompier mythique de Farenheit 451 qui s’est levé contre les autodafés. Mais aussi l’épouse de Mandelstam qui a fait apprendre en série les poèmes de son mari emprisonné pour les préserver ou ce bibliothécaire à la mémoire prodigieuse qui invitait les détenus de Birkenau à «lire en lui» les livres qu’ils n’avaient plus… Le spectacle, à voir et à vivre vendredi et samedi, est aussi simple que touchant et éloquent.
Madame Bovary «disséquée»
Dans la foulée, les spectateurs de Forum Meyrin verront aussi Bovary, une «dissection» annoncée comme sidérante du roman phare de Flaubert (ma 16 et me 17 mai) puis Entre les lignes, monologue dans lequel un acteur attend désespérément le texte de son auteur (ve 19 mai). Le même soir, (ve 19 mai), les amateurs de mouvements pourront savourer Antoine et Cléopâtre, poème chorégraphique inspiré de Shakespeare. Et le lendemain, (sa 20 mai), les étudiants de la Manufacture livreront Cabaret, une création réalisée en une semaine avec le maître portugais sur la base de la personnalité de chaque apprenti comédien. Pour Tiago Rodrigues, les mots et les souvenirs sont un sésame du cœur et de la pensée.
Festiago, du 11 au 20 mai, Forum Meyrin, Genève.
Antoine et Cléopâtre, les 11 et 12 mai, TPR, La Chaux-de-Fonds.