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Tschüß Pina, «Grande Dame»…

La presse germanophone nous tire des larmes ce matin, qui évoque la vie et l’œuvre mais surtout le souvenir de la chorégraphe Pina Bausch, rebelle toujours en mouvement si soudainement disparue

«A corps libérés, esprit libéré», titre Die Welt, à propos de celle qu’elle considère comme «la seule star allemande d’envergure mondiale dans les arts du spectacle»: «Elle avait non seulement dépassé les frontières de la danse, mais aussi fait tomber toutes les cloisons artistiques pour définir une nouvelle conception de son art.» Et de conclure: «Le Tanztheater de Wuppertal sans Pina Bausch, c’est presque impensable.»

«Personne, en dehors de ses proches, ne savait qu’elle était gravement malade», écrit, choquée par la soudaineté de cette disparition, la Frankfurter Allgemeine Zeitung. «A ses danseurs, elle a attribué des tâches et non indiqué des pas, elle leur a posé des questions au lieu de leur donner des instructions.» Mais y a-t-il «une vie» après qu’elle eut tant brûlé les planches? se demande le journal: c’est «inimaginable pour la grande Pina Bausch, dont la vie, précisément, n’a été que la scène et le théâtre: qu’en restera-t-il après sa mort?»

«Elle cherchait ce qui met les hommes en mouvement», titre pour sa part le Hamburger Abendblatt, cette femme qui a été «un modèle pour les chorégraphes d’Allemagne et du monde entier». Le journal cite John Neumeier – qui comme Pina Bausch a débuté en 1973 en créant une compagnie – «consterné par la nouvelle: «C’est très choquant, en fait inconcevable», dit le directeur du Ballet de Hambourg, qui la salue comme une rénovatrice fondamentale de la danse.»

Quant au Spiegel, il voit dans la «Grande Dame» (en français dans le texte) une «tendre révolutionnaire», à qui il s’adresse directement: «Vos soirées de danse, on ne peut les oublier.» Ces soirées de «fantastique humour, d’une ironie mordante, mais avec, parfois, à la fin, une chaleureuse tendresse et une profonde compréhension des insuffisances et de la fragilité de l’homme». Car si «le ballet classique a voulu distraire, elle, elle a voulu irriter, déstabiliser, provoquer».

Pour le Standard autrichien, elle était «la philosophe du corps en mouvement»; pour le Kölner Stadt-Anzeiger, notre «sphinx intime», mais comment «concevoir qu’elle ne serait plus parmi nous si soudainement»? commente la Neue Zürcher Zeitung. «Elle était moins intéressée par la façon dont les hommes se meuvent que par ce qui les met en mouvement», analyse le quotidien zurichois, qui se demande s’il «sera désormais possible de revoir Café Müller sans que son souvenir nous tire des larmes».

«Une cultivatrice de perles»: le St. Galler Tagblatt a trouvé la formule, qui – sous une belle photo, au naturel, prise en 2008, la clope entre l’index et le majeur – se remémore «un moment magique»: «Pina Bausch, en septembre 2003, au Musical Theater Basel, attablée et parlant avec les journalistes comme avec des amis. Habillée en noir comme toujours, le visage pâle, vulnérable, fumant cigarette sur cigarette, répondant aux questions d’une voix douce, parfois avec un sourire ironique sur les lèvres, mais toujours aimable.» Avec des images sensuelles, poursuit le quotidien alémanique, elle «a raconté les difficultés d’être un humain. Elle a thématisé la solitude, la nostalgie, la frustration, la violence et les catastrophes qui menacent (l’environnement). Elle a apporté sur scène son expérience d’autres cultures et s’est dite préoccupée par les relations dérangées entre les hommes et les femmes.»

Même le Financial Times Deutschland parle du «chagrin» qui entoure la disparition de cette «grande rebelle». Cette nouvelle étoile cramée, quelques jours après Michael Jackson.