Yann Marguet, le rigolo de la radio
Portrait
Le chroniqueur barbu fait un tabac en images et en sons avec sa chronique pleine d’humour vache sur Couleur 3, intitulée «Les Orties»

«Encore!» Debout derrière son bureau, une collègue s’amuse, plus qu'elle ne s’étonne, de voir passer la petite équipée. Encore un photographe qui talonne Yann Marguet pour lui tirer le portrait. Dans les couloirs de la RTS, la scène deviendrait presque banale.
C’est un fait: depuis qu’il a lancé sa chronique Les Orties sur Couleur 3 l’an dernier, le jeune Vaudois de 32 ans est au centre de toutes les attentions, médiatiques notamment. Mais si les journalistes lui courent après, le principal intéressé ne semble pas déstabilisé pour autant. Lunettes de soleil sur le nez, c’est d’un pas peu pressé qu’il emprunte le chemin des studios, saluant nonchalamment quelques visages sur son passage. On le sent, il est ici chez lui.
Les Orties, c’est quoi ? «Définition!», exigerait Yann Marguet, qui a fait de cette injonction le slogan de son émission. Une chronique piquante, diffusée et filmée tous les jeudis à 16h45 sur «la trois», dans laquelle il s’attèle justement à définir un concept, un évènement ou un sujet d’actualité pour mieux les tourner en dérision. Moquer le quotidien façon bon copain, le tout teinté de quelques blagues potaches et d’un accent du Gros-de-Vaud, la formule fait mouche: l’épisode intitulé «Être suisse», en réaction aux débats sur la naturalisation facilitée, comptabilise plusieurs centaines de milliers de vues sur Facebook.
Thèse et criminologie
Il serait facile de l’oublier, mais Yann Marguet ne chatouille le micro que depuis deux ans. Et pas question ici de de rêve d’enfant ni de vocation d’adolescent: l’humoriste s’est retrouvé en studio... lorsque celui-ci est venu à lui.
Car le Vaudois l’avoue sans honte, il s’est longtemps laissé porter par le courant. Et par une certaine flemme aussi. Naturellement bon élève, il enchaîne, sans passion ni conviction, un Bachelor en droit puis un Master en criminologie («c’était plus sexy»), et finit même par entamer une thèse. Qu’il ne terminera jamais.
Pourtant, sans jamais s’y lancer vraiment, Yann Marguet gravite déjà autour de l’univers comique. Il fréquente une jeune improvisatrice pendant trois ans et admire les sketchs du Valaisan Frédéric Recrosio, à qui il s’identifie. «Ce métier me fascinait mais je me trouvais des excuses. Je me disais que j’avais raté ma chance, parce que je n’étais pas né en ville mais à Ste-Croix, où on ne pouvait même pas faire de théâtre».
Wiesel à la relecture
Il songe à intégrer la HEP quand son ami Blaise Bersinger, humoriste, alors animateur sur Rouge FM, lui propose un mandat d’auteur à la radio. La décision est prise en 2014 et en terrasse. Ce sera le début de son épopée radiophonique qui le verra, après avoir enflammé Rouge FM avec sa chronique La Prise Chère, lancer Les Orties sur Couleur 3, qu’il complètera par un billet d’humeur hebdomadaire dans La Carte Blanche ainsi qu'une matinale le dimanche. «Je commence à croire à une forme de destin, que l’on fait les choses pour une bonne raison. C’est comme si, sans le savoir, tout me poussait à faire un jour partie du paysage humoristique romand».
Un microcosme dans lequel il s’est déjà fait quelques alliés et bons copains, à commencer par Thomas Wiesel, qui relit une grande partie de ses textes. Parce qu’«on n’est jamais à l’abri du bide». La peur du flop, du plat, mais aussi la pression de ce public invisible, quantifiable en nombre de clics lorsque ses vidéos font le tour des réseaux sociaux. «30 000 vues réelles en moyenne» que l’humoriste surveille d’un œil légèrement anxieux.
Pas question de devenir esclave des chiffres pour autant. Ce qu’il veut, c’est «servir des conneries dans les médias» comme il l’entend. Et sans filtre, s’il-vous-plaît. Surtout, aller au-delà des rôles, des masques en incarnant l’humain dans toute son incohérence. «J’aime trouver l’absurdité dans ce que l’on fait, accepter cette ambivalence pour essayer de la comprendre. Comme le fait que je puisse parler de pauvreté et quand même m'acheter des chaussures made in China. Ou me moquer des hipsters, alors que j'en suis un, a priori».
Plus discret en vrai
Le look hipster en question, pull saumon, casquette de marque et jeans retroussés, est décontracté mais étudié. Un clown fashion victim? Pas loin. Dans son armoire, Yann Marguet collectionne les baskets par dizaines. Mais c’est surtout à sa barbe savamment taillée qu’on l’identifie. «Dans les salons de thé, on ne me reconnaît pas tellement. Mais dans les bars ou les boîtes...» Là, on vient le féliciter, lui taper sur l’épaule, et s’étonner. «Parfois, les gens me disent qu’ils ne m'imaginaient pas aussi discret en vrai».
C’est vrai, le Vaudois n’enchaîne pas vanne sur vanne. Parfois même, loin du rythme effréné de ses chroniques, Yann Marguet fait des pauses. Pour rouler une cigarette, pour réfléchir. À la scène, qu’il n’envisage pas encore parce qu’il préfère «ne pas presser les choses, ni le citron» de son récent succès. Au rapport de quasi-dépendance le liant à ses auditeurs qui tranche avec celui, plus distant, qu’il entretient avec ses demi-frères et sœurs de trente ans ses aînés. À son style, qu’il espère avoir trouvé sans s’y enfermer. Et à la possibilité que tout finisse par s’arrêter.
Mais Yann Marguet sait aussi déconnecter. Grâce à la musique, par exemple. Fan de comédies musicales, et de Billy Eliott en particulier, le Vaudois songe d’ailleurs à reprendre des cours de chant. Donner de la voix dans une future émission? Il n’exclut pas. Un chroniqueur a toujours plus d’une corde à son arc.
Profil
1984 Naissance à Sainte-Croix, Vaud
2003 Commence le droit à l'Université de Lausanne
2010 Renaissance à New York au cours d'un voyage linguistique de six mois
2015 Première radio avec «La Prise Chère» sur Rouge FM
2016 Premier épisode des «Orties» sur Couleur 3