Découvrez la riche sélection opérée par la rédaction du «Temps», répartie en cinq catégories:
- Les livres de cuisine
- Les livres sur la musique et le cinéma
- Les livres sur les beaux-arts
- Les livres sur la photographie
Toute notre sélection est regroupée dans ce dossier.
Voyage dans la Suisse du XIXe siècle
Après ses étapes alémanique et tessinoise, à la Fotostiftung Schweiz de Winthertour puis au Museo d’arte della Svizzera italiana de Lugano, l’exposition D’après nature est présentée en terres romandes. Photo Elysée l’accueille à Lausanne jusqu’au 23 janvier 2023, et il ne faut pas la rater. Pour sa valeur historique d’abord, puisqu’elle nous fait voyager dans la Suisse du XIXe siècle, et pour sa dimension patrimoniale ensuite, parce qu’on y découvre des photographies rares et précieuses datant des premières décennies d’existence du médium.
De part leur extrême fragilité, la plupart des tirages présentés ne sont pas près d’être à nouveau exposés dans un avenir proche, d’autant plus que certains proviennent de collections privées. Mais heureusement, un beau livre accompagne cette exposition itinérante. D’après nature. Photographie suisse au XIXe siècle survole en plus de 400 pages les cinquante premières années de l’histoire du 8e art en Helvétie. L’ouvrage est découpé en chapitres thématiques, avec d’abord une approche territoriale – la Suisse romande, la Suisse alémanique et le Tessin – puis des focus sur des sujets comme le monde des affaires, le tourisme, les Suisses de l’étranger, l’art ou encore le progrès.
Lire aussi: A Photo Elysée, sur la route avec Josef Koudelka
Au-delà des images présentées, que cela soit un daguerréotype montrant une vue de Fribourg vers 1839-1845, un papier salé documentant les fortifications dans le quartier de Rive à Genève (vers 1852-1855) ou de nombreuses vues de glaciers à une époque pas si lointaine où ils avaient encore fière allure, l’ouvrage est intéressant dans sa manière de mettre en parallèle l’invention d’une technique et celle d’un pays, ou du moins de sa représentation.
Du portrait à la photo de paysage, de la photo scientifique aux balbutiements du photojournalisme, on découvre comment, au lendemain de son invention, la photographie a vu se développer, en Suisse comme ailleurs, les grands genres qui la composent encore. Passionnant.
Martin Gasser et Sylvie Henguely (dir.), «D’après nature. Photographie suisse au XIXe siècle». Steidl, 440 p.
Regards sur la Russie
Entre 1988 et 2017, Magali Koenig se rend à 13 reprises en Russie. Diplômée en photographie du Centre d’enseignement professionnel de Vevey, la Lausannoise en ramène des images qui, entre paysages désolés et ruines, architecture soviétique et vie quotidienne, sont une invitation au voyage, nous plongent dans un ailleurs qui parfois ressemble à un décor de cinéma. L’écrivain Blaise Hofmann a quant à lui découvert la Russie en 2002. Un voyage qu’il raconte en 25 poèmes qui, encartés ça et là entre les photographies de Magali Koenig, leur donnent une dimension nouvelle. De la confrontation entre le visuel et le textuel naît un récit de voyage aux contours diffus.
Magali Koenig et Blaise Hofmann, «Courir après la pluie». Actes Sud, 312 p.
Images de la spiritualité
Patrick Gilliéron Lopreno a réalisé l’intégralité des photos qui composent son nouveau livre en trois mois. Ce projet «a jailli tel un volcan en éruption», écrit-il. En noir et blanc et en argentique, le photographe signe une série d’images évanescentes et souvent oppressantes qui bouclent une trilogie entamée avec Eloge de l’invisible et Champs. De manière très évocatrice, il interroge notre rapport à la spiritualité, et particulièrement au monde orthodoxe et à la pensée extrême-orientale. Dans un texte désabusé proposé en introduction, l’écrivain valaisan Slobodan Despot se demande où, dans «le désert froid de la technosphère», chercher la beauté et la spiritualité.
Patrick Gilliéron Lopreno, «U-Turn». Till Schaap, 96 p.
La texture des classiques
Lauréat du 2e Prix Alfred Latour 2021, qui récompense un projet de livre faisant se rencontrer deux disciplines artistiques, Olivier Christinat propose avec Pas un jour sans un nuit un ouvrage qu’il dit avoir construit comme une pièce musicale. Entre photographies et dessins, assortis de quatre textes iconiques (L’Enéide, La Divine Comédie, l’Ancien Testament et La Métamorphose) reproduits en intégralité dans leur langue originale mais avec des caractères si petits qu’ils deviennent illisibles pour se muer en œuvres d’art, il y oppose la moderne solitude à une certaine idée de la beauté. Avec parfois l’ironie d’un Martin Parr.
Olivier Christinat, «Pas un jour sans une nuit». Actes Sud, 200 p.
Partager un verre avec des stars
Quoi de mieux qu’un bon verre de vin pour sceller une amitié, fêter une rencontre? Se souvenant de la manière dont son grand-père et son père trinquaient avec leurs amis autour d’une bouteille de petite arvine ou d’humagne rouge, Gérard-Philippe Mabillard a décidé de photographier des personnalités verre en main. Fidèle à cette idée du partage, il ne triche pas, travaille avec son Leica en noir et blanc et en lumière naturelle pour capter l’instant privilégié d’une rencontre. Le voici qui réunit 162 portraits, majoritairement d’artistes et en particulier de gens du cinéma, pour composer une mosaïque pleine de vie et d’humanité.
Gérard-Philippe Mabillard, «The Stars’Share». teNeues, 192 p.
A bicylette abevc Robert Doisneau
Le couvent Sainte-Cécile de Grenoble accueille jusqu’au 21 janvier 2023 une exposition explorant l’œuvre de Robert Doisneau (1912-1994) sous le prisme du vélo. Réunissant 120 photographies, dont de nombreuses sont inédites, l’ouvrage qui la prolonge est un pur enchantement. La bicyclette, plus qu’un simple moyen de locomotion économique et écologique, devient aussi sous son objectif un objet d’émancipation et de liberté – et un objet précieux durant l’Occupation. Grand maître de la photo humaniste, Doisneau se dévoile ici comme toujours attentif aux détails, son sens du cadre est merveilleux. Il y a dans ses images la même poésie qui infusent les dessins de Sempé.
Angelina Meslem, Vladimir Vasak et Patrice Leconte, «Les Vélos de Doisneau». Glénat, 192 p.
Au fil de la Sorne
Comme un road-trip au fil de l’eau. Le Jurassien Daniel Caccin a, ces dernières années, régulièrement suivi le tracé de La Sorne – qui prend sa source aux Genevez pour se jeter dans la Birse à Delémont – à la découverte du flux entretenu par la rivière avec la nature mais aussi, dit-il, les humains qui la bordent. Son travail, qui combine la dimension sociologique d’une enquête photographique régionale à la puissance poétique d’une série d’artiste, donne magnifiquement à voir une région qu’on regarde peu. Si l’on retourne le livre tête-bêche, on peut y lire Sorrn, un poème documentaire en prose de Stéphane Montavon consacré aux gorges du Pichoux et au village d’Undervelier.
Daniel Caccin et Stéphane Montavon, «La Sorne/Sorrn». Ed. du Sauvage, 208 p.