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Sempé fait le printemps à Genève

La Société de lecture projette sur quelques bâtiments solennels le visage du bonheur tel que le représente le merveilleux dessinateur. Une floraison de couleurs bienvenues dans la grisaille des temps

Jean-Jacques Sempé / Galerie Martine Gossieaux, Paris / Société de Lecture de Genève. — © Sempé
Jean-Jacques Sempé / Galerie Martine Gossieaux, Paris / Société de Lecture de Genève. — © Sempé

Le fond de l’air est rose, les arbres crépitent de bourgeons, les tulipes pointent leur nez vif. Une femme sort de chez elle et descend les trois marches menant à ce jardin qui ressemble comme deux gouttes d’eau au vert paradis de l’enfance. Elle a le pas léger, les bras en V, la tête renversée en arrière pour mieux respirer, pour mieux goûter aux promesses d’un jour nouveau. Trait arachnéen, aquarelle vaporeuse, tout le génie de Sempé s’épanouit dans cette illustration simple comme bonjour – à voir sans délai sur les murs les plus solennels de Genève.

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Pour fêter le bicentenaire de la Société de lecture de Genève, sa directrice, Delphine de Candolle, rêvait d’une exposition intra-muros consacrée à Jean-Jacques Sempé, cet artiste qui a si bien su dessiner de chétifs lecteurs au sein de bibliothèques hautes comme des cathédrales. Les mois ont passé, la pandémie a tout chamboulé. Et le projet est sorti de son cadre napoléonien pour déborder dans la ville.

© Julien Mignot
© Julien Mignot

«Nous avons soudain rêvé de voir ces dessins dans la rue, de rendre leur éclat à des lieux fermés, de rendre le sourire aux gens, de remettre de la lumière dans la ville. De tirer des passerelles entre les modes de l’art et de la musique, de la culture et de la spiritualité à travers l’humour, la tendresse et la bienveillance de Sempé», explique Delphine de Candolle. Alors elle a mis sur pied un parcours de projections nocturnes autour du parc des Bastions, décalant ce motif cher à Sempé qu’est la petitesse de l’être humain: ce n’est plus à l’ampleur du savoir que se mesure l’insecte bipède, mais à l’immensité de la ville – et à celle du cosmos au-dessus…

© Sandra Pointet
© Sandra Pointet

Frondaisons luxuriantes

Jusqu’au 7 avril, dès la tombée du soir et jusqu’à 23h, le Grand Théâtre, le Palais Eynard, l’Université des Bastions, le mur des Réformateurs et la Société de lecture vont s’habiller des teintes tendres qu’affectionne le dessinateur du Petit Nicolas. Sont projetées principalement des œuvres en couleurs, pour affiner leur visibilité, et sans texte, pour permettre l’accès à tous les habitants de la ville internationale. Une concordance thématique est observée: politique pour le Palais Eynard, savoir pour l’université, spiritualité pour les Réformateurs et livres pour la Société de lecture… Le parcours de cette balade poétique entre pierre et lumière est aléatoire, ce qui permet de garantir une fluidité noctambule compatible avec les mesures sanitaires.

L’heure est venue de flâner parmi les frais bocages de Sempé, ses labyrinthes de verdure, ses frondaisons luxuriantes, ses plates-bandes coruscantes en compagnie de quelques frères humains. Ces minuscules qui se prennent pour des lions ou saluent le soleil levant, ces dépositaires de la tendresse qui jouent du trombone au bord de la piscine nous rappellent sans avoir l’air d’y toucher cette vérité malmenée: oui, la culture est un bien essentiel.

«Un Printemps avec Sempé. Un parcours de projections nocturnes autour du parc des Bastions». Du me 17 mars au me 7 avril, du crépuscule à 23h.

© Julien Mignot
© Julien Mignot