Après avoir rencontré la petite équipe et décortiqué les préoccupations de chacun, le dramaturge lausannois se met au travail. Respectant les codes télévisuels, il pense tous les épisodes pour qu'ils aient leur propre indépendance, leur propre suspense. «Si un spectateur n'assiste pas à une ou plusieurs représentations, il pourra facilement se raccrocher à l'histoire», indique Robert Sandoz.
Pour respecter l'esprit de la sitcom, les acteurs reçoivent leur script une semaine avant les représentations, qui se déroulent tous les quinze jours. De quoi se familiariser avec le texte, mais pas avec la mise en scène. Mercredi à l'aube, Françoise Boillat, Isabelle Meyer, Raymond Pouchon et leurs camarades n'avaient donc qu'une vision très relative de leur prestation du soir. «C'est assez flippant, juge la seconde. Avant ce matin, je n'avais par exemple jamais rencontré le comédien qui joue mon fils. Au niveau de la précision, il est donc normal qu'il y ait des défauts. Mais à mon sens, ils sont compensés par la fraîcheur de l'immédiateté.»
Des facteurs avec lesquels Robert Sandoz doit composer. Dans la petite salle de l'ABC, il tente de maximiser le peu de temps à sa disposition pour faire entrer les acteurs dans le cadre qu'il a fixé. «Raymond, réfléchis moins. Ton personnage doit être moins intellectuel. […] Dans le dernier filage, le rapport au public était bien. Inutile d'en faire plus.» Peu à peu, la trame se met en place. Les personnages gagnent en assurance. Pris à partie, le spectateur entre peu à peu dans l'intimité de cette famille miséreuse. Voyeurisme? «Non, pas du tout, estime Robert Sandoz. Cette relation entre les acteurs et le public est propre au théâtre. La télévision essaie de créer un rapport comparable. Mais elle peut faire ce qu'elle veut: elle restera toujours moins interactive que le théâtre.»
Le premier épisode derrière lui, Robert Sandoz ne veut pas encore parler de bilan. Mais d'une première expérience. «Globalement, je suis satisfait, tout s'est bien passé. Mais je ressens aussi une certaine frustration. Vers 18 heures, au terme du dernier filage, j'aurais voulu dire: «On reprend demain». Dans ce travail, il est en effet extrêmement difficile d'accepter qu'il y ait une part de hasard. Dur aussi de se dire: «J'ai fini mon boulot.»
Comme il travaille en parallèle sur une mise en scène de l'Evangile de saint Jean, Robert Sandoz n'aura pas le temps de trouver le temps long d'ici à mercredi, jour où il recevra le texte du deuxième épisode. Mais il ne peut s'empêcher d'y penser. «Ce serait bien que les gens ressortent frustrés. J'espère qu'on les scotche plus que le téléspectateur qui regarde le ixième épisode de Santa Barbara.»
Dysfonctions et maltraitances, La Chaux-de-Fonds, Théâtre de l'ABC: les 25 février, 10 et 24 mars, 7 et 21 avril, 5 et 19 mai à 19 h.