Editorial
Y a-t-il trop de projets artistiques proposés en marge de COP 21? Si certains se fabriquent aux dépens de toute préoccupation écologiste, d’autres s’inscrivent dans une démarche cohérente à long terme

Trop. Quand on veut flatter un gourmet on ne lui met pas sous les yeux les mets d’un goinfre voire d’un boulimique. Quand on veut inciter à la sobriété écologiste, on ne pêche pas non plus par l’excès. Sans doute les projets artistiques proposés en marge de COP 21, à Paris et dans le monde entier, ont-ils quelque chose d’excessif, moins dans leur nombre que parfois dans leurs présentations superlatives. Il est même sérieusement permis de penser que certains se fabriquent aux dépens de toute préoccupation écologiste, se résumant ainsi à de simples arnaques de marketing.
Pourtant, nous n’avons pas l’envie de jouer ici les maussades, les grincheux. D’abord parce que les artistes n’ont pas de leçons à recevoir alors que la COP 21 elle-même mène assez grand train et qu’on l’a plus d’une fois prise en flagrant délit du «fais ce que je dis, pas ce que je fais». Surtout parce que nous préférons souligner des recherches qui n’ont rien d’opportunistes mais s’inscrivent dans des démarches au long cours.
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C’est le cas pour Olafur Eliasson qui depuis longtemps se soucie de développement durable, de Tomas Saraceno qui, de passage à Genève pour vernir une exposition personnelle, nous parlait avec conviction du sentiment d’urgence qui l’habite. Au profit d’une double formation d’architecte et d’artiste, tout son travail est nourri du souci de convaincre qu’il existe des moyens d’habiter la planète, de s’y mouvoir, avec plus de grâce, plus de respect. Son projet Aerocene est une invitation poétique, mais aussi très concrète, documentée et expérimentée, à flotter au-dessus du monde grâce aux énergies renouvelables plutôt que de continuer à griller des hydrocarbures.
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Ces artistes ont aussi le talent de s’allier à des mécènes, de trouver des sponsors, voire de se transformer en chefs d’entreprise, pour financer leurs expériences, développer leurs projets et leur donner la visibilité nécessaire pour frapper les esprits. Leur manière de fonctionner dans leur époque est la preuve que le discours écologiste n’est pas synonyme de repli sur soi et de renoncement. Olafur Eliasson et Tomas Saraceno ont tous deux des engagements planétaires et humanistes. Leur art pourrait trouver sa force dans la noirceur du monde. Ils sont passés à autre chose. Ils s’engagent au risque parfois d’y perdre leur identité d’artiste. Devons-nous leur en vouloir où plutôt les suivre? Nous optons clairement pour la seconde solution.