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«Super Warhol» à Monaco, autopsie d'un géant

L'exposition estivale du Grimaldi Forum décline l'œuvre de l'artiste new-yorkais par ses plus grands formats.

Andy Warhol à Monaco, l'association n'est pas banale. Entre le pape du pop, peintre de cour des yuppies new-yorkais et les artifices huppés du Rocher, la rencontre ne pouvait se faire que sur le mode superlatif. Dont acte. Avec Super Warhol, vaste exposition animant jusqu'à la fin du mois d'août le Grimaldi Forum de Monte-Carlo, les plus grands formats de l'artiste disparu en 1987 se déploient en une scénographie sinueuse. L'œuvre de la designer française Matali Crasset, l'agencement des différents espaces de l'exposition adopte la transversalité d'une création mêlant sérigraphies, dessins, photographies, films, programmes TV et publicités.

Suite de losanges organisés en voies arborescentes, le parcours ainsi fléché guide le visiteur des prémices d'une œuvre en expansion à son apogée titanesque, les dernières toiles de l'artiste étalant sur plus de 10 mètres de long leurs motifs iconiques. Avec, en guise de mise en bouche, une antichambre placée sous le signe de la consommation idolâtre. Uniformément orange, entre plastique et toiles de lycra tendues, le hall d'entrée du Grimaldi Forum contraint le regard à s'arrêter sur une zone divisée entre un bar, un atelier de sérigraphie pour enfants et une échoppe écoulant d'innombrables produits dérivés du répertoire warholien (260 francs pour un sac à main Campbell's Soup).

Plus loin, un double boyau orange assiste la naissance du visiteur dans le monde de la Factory, le contraignant à opter pour l'une ou l'autre des deux voies d'accès. Selon son choix, celui-ci découvre à sa sortie les portraits photographiques de l'artiste travesti dus à Christopher Makos, ou l'un de ces autoportraits hirsutes réalisés par Warhol à la veille de son décès. Petit jeu d'opposition qui se poursuit en s'élargissant dans l'espace attenant.

A gauche, sérigraphies de Campbell's Soup et de dollars, reproductions de publicités et schématisation de carrosseries d'automobiles (superbe Lincoln Continental de 1962). A droite, sérigraphies de James Cagney ou d'Elvis brandissant un colt, baiser fatal de Bela Lugosi (The Kiss, 1963) et saut dans le vide d'un désespéré, prophétisant pour le regard contemporain les martyrs du World Trade Center (Suicide, 1962-63).

Tout l'art de Warhol est là, dans ce va-et-vient constant entre l'image idyllique de la consommation de masse et la fascination du public pour les visions de sa propre finitude. Désir et mort, consumérisme et transcendance: les quelque 150 pièces issues de collections du monde entier et sélectionnées par le curateur italien Germano Celant déclinent à l'infini les obsessions warholiennes. Parmi lesquelles les figures récurrentes de Marilyn Monroe, Jackie Kennedy ou du Christ de la Cène de Léonard de Vinci rythment cette exploration opiniâtre de pulsions contraires.

Examen minutieux de l'imaginaire intime du peintre, Super Warhol n'en néglige pas pour autant les à-côtés glamour. Outre une vaste série de photographies de la Factory due aux objectifs de ses habitués Billy Name, Gerard Malanga ou Nat Finkelstein, la présentation monégasque inclut les tentatives cinématographiques de l'artiste, de ses petits portraits filmés (Screen Tests) à ses moyens métrages (extraits de Kiss, Bike Boy, etc.). Sans oublier ses improbables papiers peints aux têtes de vaches roses ou les couvertures glacées de son magazine Interview, où l'art de Warhol se dilue dans une facilité revendiquée.

Plus insolites et méconnus demeurent les témoignages de la maturité, dernières années au cours desquelles les extrémités de son œuvre colossale se rejoignent. Sous l'impulsion de Jean-Michel Basquiat, avec lequel il entame une série de collaborations, Andy Warhol revient au trait en noir et blanc de ses premières reproductions publicitaires (Double Be A Somebody With A Body, 1985-86). Tout en menant son travail d'abstraction jusqu'à son terme le plus radical (les minimalistes Eggs et Crosses, 1982), ravivant dans ce double acte de peindre la pertinence intemporelle d'une œuvre un temps dévaluée par ses propres excès.

Super Warhol. Grimaldi Forum, espace Ravel, 10, avenue Princesse-Grace, Monaco-Ville, tél. 00377/99 99 30 00, jusqu'au 31 août, lu-di 10-21 h (je 23 h), jusqu'au 31 août, http://www.grimaldiforum.com/warhol