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Le temps des séries TV. Un revolver chaud

Le temps des séries TV.

L'arme passe de mains en mains, ouvrant à chaque nouvelle découverte une tranche de cruauté ordinaire. Coup d'œil sur Gun, mini-série qui sort ces jours en DVD, et hommage à Robert Altman. Décédé le 20 novembre dernier, le cinéaste était l'un des producteurs de cette anthologie aussi modeste que curieuse.

«Happiness is a warm gun», chantaient les Beatles, repris au générique de la série par U2. Le bonheur étant donc un revolver chaud, chaque histoire de Gun commence par la découverte de l'objet central, un pistolet brillant à crosse nacrée. Dangereux et exubérant à la fois, reflétant par sa brillance les fantasmes ou les troubles qu'il suscite.

Créée en 1997 par James Steven Sadwith, Gun comporte six chapitres. Son premier volet résume bien le propos: un brave père de famille se retrouve pris au milieu du cambriolage d'une épicerie - attaque menée, bien sûr, avec le revolver argenté. Il admoneste un agresseur et poursuit un autre, afin de protéger «mon fils et mon chien». Le fait divers transforme cet acteur raté en héros national. Un film se prépare sur son histoire, dans lequel il aura, enfin, le premier rôle... jusqu'à ce que l'on découvre qu'il rêvait ce conte de fées durant ses dernières secondes, dans l'épicerie, touché par une balle du pistolet.

Un tour de passe-passe, mais qui donne le ton chaud-froid de la série. De cette collection, plutôt, puisque les histoires ne sont pas suivies. Les auteurs ont renoncé à lier le passage de l'objet symbolique d'un épisode à l'autre, ce qu'on regrette.

Mais l'intelligence de ses scénarios fait de Gun une compilation de prestige. Le grand Altman y signait «Les femmes du président», amusante raillerie de la vie d'un président de club de golf, coureur de jupons plutôt pathétique. Une préfiguration sarcastique de son Dr T et les femmes. Ted Demme réalisait un chapitre poignant qui narre le retour d'un adolescent meurtrier dans sa bourgade, après la prison. Au reste, l'anthologie a bénéficié d'une belle distribution, avec Kirsten Dunst, Rosanna Arquette, Daryl Hannah et James Gandolfini, le futur Tony des Soprano.

L'allusion au principe de «la bible et du revolver», socle des colons américains, est claire. Au reste, le propos peut être adapté: ici, on songera au débat sur l'arme militaire conservée à domicile. Gun ne pousse toutefois pas sa veine satirique jusqu'au bout - ou les auteurs s'en dévient sciemment, préférant aborder ces moments anodins durant lesquels une vie bascule. L'arme, toute brillante qu'elle soit, y est finalement banale. C'est là que Gun forme une fiction bien américaine, avec, néanmoins, cette ironie que Robert Altman savait instiller à ses histoires.