Certes, on arguera que les Young Gods (au menu 2009: Treichler et Comet en survivants, Bernard Trontin aux fûts et Vincent Hänni à la guitare) ne furent pas les premiers à s’adonner de la sorte à l’électronique. Suicide (lire ci-contre) ou les industriels (Throbbing Gristle, Cabaret Voltaire, etc.) l’avaient déjà fait à l’agonie des 70’s.
Toutefois, ce qui frappa chez les Young Gods était le choix des éléments appelés à se mêler dans leur hybride musical: une énergie et une occupation scénique rock (Treichler est un frontman habité), les possibilités de stase et de propulsion mécanique offertes par les machines, et un goût pour un expressionnisme de cabaret qui atteindra son sommet lorsqu’en 1991 le groupe reprendra à sa sauce des airs de Kurt Weill.
L’Eau rouge concentre ces inspirations: au fil des plages, on se laisse accrocher aux Trinklieder mélancoliques («La Fille de la mort», «Charlotte», surtout), aux décollages supersoniques («Longue Route», «L’Amourir» au rythme impair) et à un onirisme de plomb fondu («Ville nôtre»).
Les Young Gods offraient ici un mélange d’une extrême particularité, qui devait fonctionner comme une garantie d’exclusivité. De fait, on ne leur connaît pas d’épigones, la bande à Treichler, plutôt que de fournir matière à copies, ayant œuvré à banaliser la fusion du rock et des machines, inaugurant par là même de nouvelles attitudes musicales.
Le groupe, lui, n’allait pas se contenter de sa trouvaille, se réinventant au fil des albums, pilonnant le rock saturé (T.V. Sky, 1992), lorgnant vers l’ambient fragmenté (Heaven Deconstruction, 1996, Music for Artificial Clouds, 2004) ou les envolées acoustiques (Knock on Wood, 2008).
Aujourd’hui, l’attention des jeunes dieux se focalise sur leur projet TYG play Woodstock, palimpseste musical (images d’époque, nouveaux sons) du festival quadragénaire qu’ils défendront sur la scène du Paléo le 22 juillet prochain.
Chaque semaine de l’été, Le Temps détaille l’œuvre phare, les influences et filiations, l’époque d’un artiste qui fait l’actualité.